Geo Condé artiste et marionnettiste.

 

Connaissez-vous l’artiste Geo Condé (1891-1980) ? Une exposition (*) vient de lui être consacrée en Lorraine, sur la thématique de l’art sacré, choisie par son petit-fils Gérard Condé. Accompagné de collectionneurs, il se donne pour mission de faire connaître ou redécouvrir les talents et expressions multiformes de son parent. Précédemment ses œuvres avaient été présentées au Festival mondial de la Marionnette de Charleville-Mézières, en 2006, puis au Musée de la Céramique et de l’Ivoire de Commercy, à l’été 2011.

Géo Condé (années 60), « Adam et Eve » -Collection particulière.
Fixé sous verre (à dr.) et son modèle à la gouache (à g.) – (15 x 35 cm).

        Les peintures, marionnettes et crèches qui sont rassemblées ici pour la première fois ne représentent qu’une portion infime de son œuvre. Ce qui me frappe d’emblée dans ces œuvres, c’est leur fraîcheur d’expression et le parfum d’innocence qui en émanent : peintures aux couleurs vives qui portent vers l’imagerie, marionnettes de chiffon ou personnages bibliques de bois et tissus tout droit sortis d’un imaginaire enfantin. Mais ce serait, je crois, réducteur de ranger le langage de Geo Condé sous la bannière de l’Art Naïf tant ses activités et talents furent variés, tout le long d’une vie riche d’évènements et de rencontres artistiques. Il a traversé les courants à la charnière de l’art et de l’industrie, baignant dans sa jeunesse dans l’effervescence de l’Ecole de Nancy (Victor Prouvé fut son professeur à l’Ecole des Beaux-arts), mais chaque étape de sa vie fut pour lui satisfaction de faire chanter la couleur ou la matière entre ses mains… Jugeons-en d’après les précisions qu’en relatent ses admirateurs (**) : Geo (diminutif de Georges) Condé est né à Frouard (Meurthe-et-Moselle) en 1891, dans un milieu modeste. Il commence des études d’architecture à Bruxelles, côtoie les artistes de l’Ecole de Nancy et fut aviateur pendant toute la guerre 14-18. La paix revenue, pianiste et musicien, il accompagna le chansonnier lorrain Georges Chepfer. En 1922, il est embauché comme modéliste aux faïenceries de Lunéville-Saint-Clément où il déploiera dans l’ombre des ateliers, puis en qualité de directeur artistique, ses talents de céramiste « art déco ».


Les collectionneurs le redécouvrent aujourd’hui sous cette facette de créateur de formes, en particulier de craquelés d’animaux, tant il illustra aussi de ses innombrables dessins (non signés) pièces de vaisselle, pochoirs de faïence et vases pour les frères Mougin. C’est sa rencontre avec le Père Baudricourt, à Nancy en 1934, qui l’invite à animer un atelier « marionnettes » avec des étudiants, qui va orienter sa vie vers cet art qui lui sied bien, aux carrefour de l’artisanat, de l’imaginaire, de la couleur et de l’enfance. Il crée juste avant la guerre sa compagnie Le Théâtre de la Maison de Lorraine, avec sa femme et ses amis, qui accueillera comme stagiaire, en pleine Occupation à Nancy en 1941 le regretté Jacques Felix, futur fondateur du festival mondial de la marionnette de Charleville-Mézières !
Le castelet de la compagnie est visible à l’exposition, dont le pourtour a été inspiré par les grilles rehaussées d’or de la place Stanislas de Nancy, forgées par Jean Lamour. Dans ce décor qui entoure un épisode de la légende lorraine du Saint Nicolas, il anime la scène d’un type de marionnette qui en est sa technique exclusive : celle de la marionnette à gaine dont le visage est brodé de fils de laine de couleur. Cette singularité plastique devenant par la suite la spécificité des marionnettes des Comédiens de Chiffons de Jacques Félix.

Castelet du Théâtre de la Maison de Lorraine conçu par Géo Condé (Années 40) – Collection particulière. Illustre la légende lorraine de Saint Nicolas (marionnettes à gaine à tête brodée de laine).
Marionnettes de Géo Condé – Collection particulière.
de g. à dr. : sœur infirmière et curé dans le Chaperon rouge  (années 50)(marionnettes à gaine),
Pope de latitude 89° (années 30/40), Méphistophélès (1934) (marionnettes à fils).

C’est un même élan de curiosité et d’expérimentation qui le conduira plus tard à travailler dans ses peintures la technique artisanale du fixé sous verre héritée d’Europe centrale, vulgarisée sous le pinceau des ouvriers verriers de Bohème dès le XVIIIe siècle qui peignaient en série pour les pèlerins ex-voto et souvenirs pieux des sanctuaires.

les Rameaux

« Les Rameaux » de Géo Condé (1951-1954) – Collection particulière.
Fixé sous verre – (50 x 65 cm).

Sous la thématique assumée du lien de Geo Condé avec l’art sacré (clin d’œil aux Fêtes de fin d’année toutes proches), l’exposition qui vient de se clore à Villers-lès-Nancy n’en dévoile néanmoins qu’une des nombreuses facettes de cet artiste prolifique. Les crèches veilleuses peuplées de personnages bibliques en bois peint ne doivent pas occulter tous les décors profanes, les maisons de poupée, les petits théâtres en relief qu’il sculpta pour son plaisir propre et le ravissement des enfants, à commencer par les siens propres. Les scènes du Nouveau Testament peints à la gouache ont accompagné d’innombrables huiles, sanguines, aquarelles, pastels, gravures, cartes de vœux aux motifs de nus, paysages, scènes de fêtes foraines, de cirque…

Le mérite de cette exposition a été de sortir de l’ombre un artiste aux talents multiples qui a marqué de son empreinte le champ de la peinture, de la céramique ou l’art de la marionnette. Peu soucieux de se modeler une « carrière d’artiste », doté d’une curiosité et d’un enthousiasme insatiables, il était découvreur de formes, transmutant la matière aux confins les plus nobles de l’artisanat et de l’art. Au final, ce qui l’importait surtout était le plaisir de faire, et de lire un bonheur partagé dans le regard des autres.

Tout collectionneur ou amateur d’art désireux d’en savoir plus sur l’artiste Geo Condé, ou détenteur d’informations ou d’œuvres le concernant est invité à contacter son petit fils à l’adresse suivante : g.conde@wanadoo.fr.

creche1

Crèche de Noël de Géo Condé (détail) – Collection particulière.
(tissus et bois) (h. 12 cm).

crèche et rois

G. et Dr. : crèches veilleuses de Géo Condé, personnages en bois peint (1974 et 1948) (13 x 18 cm)
Au centre : Rois mages, fixé sous verre (1964) (23 x 40 cm) – Collection particulière.

(*) Géo Condé, les inédits d’un artiste lorrain, domaine de l’Asnée, Villers-lès-Nancy, une exposition de l’espace ada, du 26/11 au 19/12/2012.

(**) Je dois toutes ces précisions à son petit-fils Gérard Condé, auteur de la notice présente à l’exposition, à Patrice Brogard, collectionneur, et à Philippe Sidre, Directeur du Théâtre Gérard Philipe de Frouard et créateur  du festival « Géo Condé » de la marionnette et du théâtre d’objet (voir son article). Je les en remercie.