Xavier Thomen, retour de Chine

Xavier Thomen – Monts et Eaux (Shanshui)
Acrylique /collages (1), 50×50 cm.

On imagine d’immenses cieux délavés sur des étendues de terre ocre, de vastes horizons de prairies, des réseaux de rivières dans des vallées profondes, et des cimes enneigées. Et puis des bandes de couleur qui s’interfèrent dans ce paysage, qui flottent comme portées par le vent. Et on se dit que les peintures/collages de Xavier Thomen ont à révéler beaucoup plus que ce qu’elles dévoilent à notre œil intrigué. Que nous sommes dans le territoire vrai de la peinture, quand la peinture s’aventure au-delà d’un simple compte-rendu visuel des paysages  Elle est la symbiose d’un réel et d’un imaginaire, révélatrice de la complexité d’une histoire que le peintre entretient avec le monde et son histoire intime.

Cette exposition Monts et Eaux (Shanshui) de Xavier Thomen a été présentée en Focus à la Galerie Artothèque 379 de Nancy, du 1er novembre au 19 décembre 2021. Elle s’inspire d’un voyage d’études de l’artiste en Chine, arpentée en 2014, puis en 2017, de Shanghai à Pékin, de la Cité Interdite à la Grande Muraille et de l’une des routes de la Soie jusqu’aux portes du Tibet. Dès son premier voyage, l’artiste s’imprègne de cet univers immense et de symboles partout présents, notamment le cercle et le carré qui régissent l’architecture des maisons. Tout au long de ces routes millénaires empruntées sans doute par Lao-tzu et ses disciples, croisant les hordes du grand Khan et les caravanes d’Arabie, il s’imprègne de ce monde nouveau. La Montagne de l’âme de Gao Xingjian qu’il a lu avant son voyage accompagne chacun de ses pas. Il en connait les récits mythiques et les encres, qui donnent à ce périple une dimension hors du temps.

Xavier Thomen – Monts et Eaux (Shanshui)
Acrylique /collages (2-3-4), 50×50 cm.

Et puis, faut-il préciser de l’aveu même de l’artiste, une double connivence, intime et profonde le lie à la Chine. Elle a pour origine son vécu personnel et son rapport domestique aux malheurs des inondations. Xavier Thomen est originaire de la région parisienne, et son destin familial l’a installé dans une maison-atelier située dans une commune rurale du nord de la Meurthe-et-Moselle, en bord de rivière. Il a été victime de plusieurs crues destructrices, notamment en 1993 et 1994, causant de profonds dégâts à son logis et à beaucoup de ses travaux de création. Il travailla à sauvegarder ce qu’il put de ses œuvres antérieures, et au cours de la remise en état de son mobilier, il découvre dans une malle des documents d’archives familiales, parmi lesquels cartes postales, relevés topographiques de territoires et fragments de papiers peints anciens, le tout provenant de Chine : toutes reliques conservées d’un ancêtre qui avait été ingénieur installateur de télégraphes, missionné sur place pendant les années de colonisation européenne précédant la proclamation de la République de Chine. La Chine a une tradition multiséculaire de lutte contre le fléau des inondations. Dès ses premiers âges et les exploits héroïques du Grand Yu, combattant du Déluge et des inondations, elle était vaste terre de combats mythiques contre les génies malfaisants qui infestent ses eaux . La spiritualité chinoise est nourrie de cette interférence entre la terre, les eaux, la nature entière et l’humain. Qui sait si une telle connivence consciente ou inconsciente ne motivait pas son appel au voyage vers ce pays lointain ? Et le voici, dans sa propre maison, découvreur de cartes géographiques centenaires et d’anciens papiers peints chinois abimés par les eaux débordantes de l’Orne au seuil de sa porte !

À défaut d’un geste du destin, comment ne pas voir dans ces circonstances personnelles, au retour de ces voyages, un appel à l’imaginaire du peintre et du sculpteur dans le laboratoire de l’atelier. L’imaginaire se nourrit de telles opportunités; pour faire germer des réminiscences de mémoire avec les rescousses de l’acrylique, de parcelles de papiers, ou autres fragments d’acier et de bois… Sans doute fruit d’une lente maturation pour traduire en couleurs et formes les vastes étendues ocres de terre et les filets verts qui les protègent de l’érosion et des tempêtes. Ou bien les reflets d’or entrevus dans un monastère taoiste et bouddiste, les terres cuites de l’armée fantôme de Xi’an ou les drapeaux de prière multicolores bercés par le vent aux portes du Tibet. Tout était désormais disponible pour le travail d’atelier : les milliers de photos rapportées des voyages, les souvenirs et impressions enfouies, les richesses humaines des rencontres, et les fragments de papier retrouvés dans la malle.

L’exposition Focus Monts et Eaux (Shanshui) de Xavier Thomen présentait à la Galerie Artothèque 379 de Nancy différentes œuvres de cette série : des formats carrés sur papier 20×20 cm intégrés dans la collection des Carré 379, des acryliques sur toile avec collage de format 30×30 à 50×50 cm. Sans oublier plusieurs sculptures en acier et bois, suspendues en l’air en pendule, loin du sol, inattaquables donc et à l’abri de Gonggong, le génie des eaux malfaisant de la mythologie chinoise. On ne sait jamais…

Xavier Thomen – Monts et Eaux (Shanshui), acrylique /collages (5), 30×30 cm.
ci-dessus : sculpure acier et bois, 70×200 cm.
ci-dessous en galerie (cliquer) : Acrylique /collages (6 à 11), 30×30 cm.

Vue de l’exposition Focus Xavier Thomen, galerie 379, Nancy
Toutes photos de cet article ©Xavier Thomen

2 commentaires sur “Xavier Thomen, retour de Chine

  1. Superbe article autour du travail de Xavier. Tous mes vœux pour cette nouvelle année. Que la force soit avec toi ! Bisous Martine

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