Bestiaire / L’Orée du monde

Jean-Charles Taillandier, panneau 5 de la fresque l’Orée du monde
xylographie 2 couleurs, format 38 x 24,5 cm, année 1996.

LE CAPRICORNE
Comment a-t-on
su que c’était lui ?
demande l’enfant,
Qui a découvert un cygne, un aigle, un serpent
dans ce fouillis d’étoiles poussiéreuses ? Le Lynx,
le Dragon, la Girafe, le Renard, l’Oiseau de paradis,
depuis combien de temps étaient-ils là, dans le 

ciel, attendant que quelqu’un les reconnaisse ?

La Voie lactée n’est qu’un peu de lait échappé
 d’une casserole qui déborde, une serpillière d’étoiles
 poussée du pied dans le caniveau, un jet 
 d’urine d’or pissé par un chenapan céleste.

Mais nous suivons du doigt sur la paroi de la
grotte les anfractuosités du hasard, et nous lisons : 
 l’Oiseau indien, le Rhinocéros, la Fourmi géante,
le Toucan, l’Hydre mâle et l’Hydre

femelle, le Caméléon, la Baleine…

C’était écrit. Rien n’est encore dit. 
Tout recommence. Quel nom donner à ce qui n’a 
  pas encore de nom, qui les contient tous ? Minotaure, 
 phénix,  coquecigrue, une chimère est notre totem.
.

Cependant, l’enfant qui fait tourner
dans sa main la mappemonde,  tandis qu’au loin, 
inaudibles dans les profondeurs de la terre, craquent 
les plaques tectoniques et dérivent  les continents, 
découvre en cachette, comme un plaisir volé, la 
 Nouvelle-Guinée à la silhouette  de ptérodactyle :
merveilles du monde, merveilles des formes,
merveilles des mots qui happent à la langue —
et dans l’impression que soudain, 
le sol s’ouvrant, l’oiseau devient loup, 
l’effroi qui rend le vide habitable.

Marc PETIT pour Bestiaire

revue Poliphile, éditions Aldines, 1996. 

Dans un article précédent consacré à ma participation aux Carrés 379, une collection, projet éditorial lancé par la galerie 379 de Nancy, j’évoquai ma décision de recourir à d’anciennes planches gravées sur bois, plutôt que concevoir une suite inédite de 15 gravures ou dessins dans la cadre imposé du format 20 x 20 cm.   Je n’y voyais pas là une facilité à répondre à cet appel à projet, mais une façon de questionner un travail graphique publié en 1996, d’y apporter un regard neuf et de nourrir une fois encore ma réflexion sur la mémoire des images, fussent-elles mes propres images.

La publication récente dans le cadre des Carrés 379 m’offre donc l’opportunité de présenter ces travaux graphiques initiaux, rarement exposés, qui sont à la source de ces xylographies.

L’initiative de ces gravures sur bois est une invitation que m’avait faite l’écrivain et poète Marc Petit, maître d’œuvre, en 1996, du sommaire de la revue annuelle des Arts et des Sciences Poliphile (Éditions Aldines-Paris). Marc Petit (*) partageait alors avec les écrivains du groupe de la Nouvelle Fiction (dont il est un des membres fondateurs), une pratique de l’écriture qualifiée « d’œuvre du travail de l’imagination en rapport soutenu avec l’imaginaire« . Auteur d’une œuvre prolifique (La grande cabale des juifs de Plotzk, Ouroboros, le nain géant, le troisième Faust…), il est aussi collectionneur de masques, et consacra un ouvrage aux arts primitifs de l’Himalaya en 1995.

Ce numéro avait pour thématique Multiplicité et Infini, avec la contribution de plusieurs auteurs, dont le philosophe Marc Richir qui consacrait un long entretien à la naissance des dieux. Il abordait l’entrée des dieux dans la scène symbolique et l’apport de la tragédie grecque dans la lecture critique du mythe (**).
Le poème de Marc Petit que je présente ci-dessus accompagnait ces gravures de la série Bestiaire.

Faisant retour sur mon travail graphique depuis ces années, je me rends compte que cette série Bestiaire et la fresque gravée l’Orée du monde qui l’accompagne interroge déjà une thématique qui me reste fidèle : l’origine des images et leur mystère. Ce thème m’était offert sur un plateau, si je puis dire, en regard des apports poétiques et philosophiques de Marc Petit et Marc Richir. C’était une invitation à investir l’espace immense de temps immémoriaux où cohabitaient héros et dieux, dans un panthéon archaïque et dionysiaque plein de chimères et d’animaux étranges, dans la confusion des danses, des airs et du feu. Sans repères et sans mémoire… Comme l’écrit Marc Petit : “Quel nom donner à ce qui n’a pas encore de nom, qui les contient tous ? Minotaure, phénix, coquecigrue, une chimère est notre totem. “

(*) voir sur l’écrivain, poète et peintre Marc Petit
(**)revue Poliphile , page 77

Jean-Charles Taillandier, panneau 3 de la fresque l’Orée du monde (fragment), xylographie 2 couleurs, hauteur 24,5 cm, année 1996.

J’ai plaisir à présenter ici ce qui fut autour de Marc Petit et la revue Poliphile dirigée par Nelson Gonzàlez-Cortés une belle et intense collaboration.
Bestiaire
Une suite de 15 gravures sur bois, 1 couleur noire, format 24,5 x 31,5 cm
Tirage à 15 exemplaires sur Rivoli blanc
Toujours disponible à la vente.

L’Orée du monde
Une fresque gravée sur bois, 2 couleurs noire et rouge, 24,5 x 470 cm en huit fragments
5 exemplaires de tête sur papier oriental senkwa
20 exemplaires sur Rivoli crème.
Toujours disponible à la vente (fresque ou fragments).

Jean-Charles Taillandier,  fresque l’Orée du monde, panneaux 1-2-3-4, et panneaux 5-6-7-8
xylographie 2 couleurs, chacun 24,5 x 235 cm, format, année 1996.
Cliquer pour AGRANDIR
Plus bas : 11 gravures sur bois de la suite Bestiaire, année 1996.

Une exposition de ces 2 suites gravées aura lieu pendant les Ateliers d’artistes 2021 de Nancy.
Dates : 24-25-26 septembre 2021.
Lieu : Ateliers du canal, 38 impasse du 26e RI, 54000 Nancy
Pour tout renseignement, voir ci-dessous le programme complet :

Un commentaire sur “Bestiaire / L’Orée du monde

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