
Pari réussi que cette symbiose entre les assemblages de Jean Médard et les peintures et environnement sonore de Jac Vitali. Il faut dire que les deux artistes ne sont pas à leur coup d’essai puisqu’ils avaient déjà confronté leurs regards dix ans plus tôt dans les mêmes espaces de la galerie Socles et Cimaises de Desforges à Nancy. Les peintures ombrées de figures et crânes de Jac Vitali accompagnent au mur le défilé des créatures hétéroclites de Jean Médard, qui sont en route vers on ne sait quel exode. La proximité de ces « reliques carnavalesques » avec l’univers plastique et sonore de Jacques Vitali se révèle d’abord sous cet angle du magique, de l’envoûtement, de l' »enfoui ». Le titre des peintures de Vitali. est en soi révélateur : « masques », « apparitions », illumination ». L' »enfoui », il le touille, le remue en explorant les souvenirs d’enfance et bribes de mémoire où affleurent parfums évanouis, icônes phosphorescentes. C’était déjà le cas de travaux antérieurs comme « Chaman Hôtel » , métaphores de parcours oniriques dans l’espace et le temps Le son vient à la rescousse de ce qu’il décrit lui-même comme son rapport aux « fantômes » (il était musicien avant son travail de plasticien). Double parfait de son espace pictural, ses installations sonores sont une autre manière d’habiter le temps. Elles sont écho de mémoire intime, ou miroir onirique de voyages. En d’autres circonstances, sous forme de « performance » en lien avec une lecture public par exemple, ses manipulations sonores en direct sur bandes magnétiques associent frôlements métalliques, recouvrements, larsens et convoquent la mémoire auditive de chacun pour en débusquer l’intime, ou parfois la faille. Faut-il y voir pour l’artiste lui-même une forme d’exorcisme intime ?

S’il est un lieu où les univers plastiques de Jac Vitali et Jean Médard se rejoignent, c’est sur le territoire des vanités. Crânes peints sur les cimaises et personnages hybrides, bringuebalants de l’exode où parfois même se mêlent au convoi des crânes d’animaux attifés de cornes et de plumes auraient trouvé leur place dans un cabinet de curiosité. Mais chez Jean Médard, la poésie de l’objet est teintée d’humour et de grotesque. L’art singulier et ludique de Jean Médard se fait démiurge d’un monde enfantin, de personnages assemblés d’éléments les plus divers : plumes, fragments de jouets, de moteurs, coquillages, bestioles empaillées, plumes… Mais, derrière la candeur de la scène pointe une ironie mordante sur l’orgueil des apparences et l’exode du temps. La fascination de ces êtres anthropomorphiques naît de leur vraisemblance quand l’œil à la recherche de repères et de certitude n’y voit qu’assemblages de débris de la nature glanés sur le sable des plages ou au hasard des brocantes. Assemblages disparates d’autant plus mystérieux quand ils s’exposent à notre regard derrière le vitrage de boîtes profondes; ils sont objets happés par la lumière du présent, exhumés d’un fonds poussiéreux de sorcellerie et de divination, débris d’autels de dieux disparus… Nous ne sommes pas loin des diableries à la Jérôme Bosch derrière lesquelles se cachent quelques secrets d’alchimiste. Face au spectacle de ces monstres et prodiges à la queue leu leu, bien malin qui peut dire la nature du cataclysme qui s’annonce… Ou qui a déjà eu lieu !



