Odile Kolb, ich bin megalith


Je connais le travail d’Odile KOLB depuis des années. Elle poursuivait sur une ligne de crête étroite sa voie exigeante qui fait vibrer les plus infimes résonances d’une palette restreinte ou dominent le noir, le gris et le rouge. Sa démarche si singulière offre au regard une peinture dépouillée à l’extrême dont la quintessence tentera d’exprimer en quoi l’Art peut sauver l’homme de sa sauvagerie naturelle : « Comment pourrais-je faire de la peinture réaliste actuellement, ce serait pire qu’une toile noire ! », clamait-t-elle.
C’est une peinture de révolte qui s’expose dans sa nudité pure au regard du spectateur.
Depuis plus de trente années, Odile Kolb, à l’œuvre sans relâche dans son étroit appartement-atelier de Metz, s’immergeait dans sa peinture, rageant contre le désordre (désastre) du monde. Elle en fouillait les entrailles avec son pinceau-scalpel, prenant le spectateur à témoin. C’est une œuvre de haute exigence, et aussi une œuvre de partage et de contemplation, qui sollicite notre temps et notre attention. Osons à ce propos cette citation de Rothko : « A travers le temps, de point en point, l’œuvre d’un peintre progressera vers la clarté, vers l’élimination de tous les obstacles entre le peintre et l’idée, et entre l’idée et l’observateur »

« Ich bin ein megalith« , proclamait-elle…


Suite Fukushima, pigments et sable sur toile. La série entière comprend 10 toiles, chacune 50 x 100 cm .

Pourtant, ne nous y trompons pas : la puissance visuelle de cette peinture n’est pas tant dans sa force brute, mais dans la subtilité tactile des surfaces. Quand Odile évoquait son travail d’atelier et sa confrontation intime au matériau, elle privilégiait très vite l’importance de son rapport presque charnel avec la matière, fût-il l’acrylique, l’encre, la pierre noire ou le sable. Elle en parlait d’ailleurs volontiers en caressant sa toile du bout du doigt. Une sensibilité la traversait, bien au-delà de l’apparent nihilisme que pouvait traduire le titre  « le chien, la mouche et moi » qu’elle avait souhaité donner  à son exposition de novembre 2012 à la chapelle des Trinitaires de Metz…
L’actualité du moment avait alors donner corps à un ensemble des dix panneaux « Série Fukushima » peints dans l’immédiateté des semaines qui avait suivi ce drame nucléaire au Japon. Nous les retrouvons dans l’actuelle exposition, clamant toujours dans une proximité des blancs, des gris et des ocres, la protestation d’une démesure humaine où se mêlent les aciers, les sables contaminés et une mortelle lumière, loin de toute présence humaine.

Est-ce le même message que portent ces grands formats, d’où sourd une lumineuse présence parmi d’informes étendues grises ? Si l’homme ne peut plus croire en l’homme, il peut croire encore en la peinture avec Odile KOLB.



Ci-dessus 1-2-3 – Sans titre, pigments acryliques et collage sable sur toile, 89 x 116 cm



g: Sans titre, pigments acryliques et collage sable sur toile, 76 x 100 cm
d : Sans titre, acrylique sur toile, 180 x 155 cm


Exposition « Ich bin megalith » – Odile KOLB
Château de Courcelles, 73 rue de Pont-à-Mousson, 57950 Montigny-lès-Metz
Tel : 03 87 55 74 16 –  http://europa-courcelles.montigny-les-metz.fr
du 01 février au 29 mars 2020 – Vendredi/samedi/dimanche,  de 14 à 18 h.
Catalogue disponible, avec texte de Raymond Oillet
Photo affiche Florian Martin.

Chair de papier, une suite gravée

Jean-Charles Taillandier, Chair de papier
Cinq planches xylographiées de la suite gravée, hauteur 100 cm (2008)

La réactualisation de mon blog sous son nouveau  nom chairdupapier.fr est aujourd’hui « inaugurée » par la revisite d’une suite gravée déjà ancienne qui avait justement pour titre un vocable très proche : chair de papier. Non pas par nostalgie, mais parce que ce travail d’atelier amorçait ce qui allait devenir pour moi, en beaucoup de circonstances, comme une méthode : à savoir la rencontre fortuite avec une œuvre du passé, gravure ou peinture, souvent issue du patrimoine lorrain, qui aurait la vertu de nourrir mon propre imaginaire. Cette œuvre d’un passé lointain a laissé son empreinte, mais, de si loin qu’elle vienne, a transmis aussi son énigme. Une énigme d’image qui, dans la chaîne continuelle du temps, éveillera en moi d’autres images intimes. Inconscientes, subliminales, que sais-je ? Ces travaux d’atelier réunis sous le titre Chair de papier prendront peu à peu la consistance, dès 2008, d’une suite de gravures sur bois grand format, marouflées sur papiers orientaux, à exemplaire unique.

Mais d’abord, un peu d’histoire


Un œil attentif peut déceler le seul autoportrait connu de Claude Jacquart, dissimulé parmi les 150 personnages peints du dôme de la cathédrale de Nancy, près de sa signature.

Point de départ donc : trois gravures à l’eau-forte signées Jacquart, conservées dans les collections de la Bibliothèque Stanislas de Nancy. La première, de très belle facture, « gravée par son très humble et très obéissant  serviteur Jacquart » et datée 1734, représente une scène de chasse.  Elle est l’œuvre de Claude Jacquart (1686-1736), graveur à la Cour de Lorraine sous le règne du duc Léopold puis de François III. La seconde, vraisemblablement met en scène une mendiante (?) que croisent avec dédain deux hommes. D’un trait plus sommaire, et signée Jacquart fils, non datée, elle pourrait être l’œuvre de Marc Antoine Jacquart, fils aîné du précédent dont on connaît l’existence par une pension que lui aurait consentie François III en 1735 pour parfaire à Vienne sa formation artistique. La troisième gravure, datée 1736 et intitulée Le temple de l’hymen est plus imposante et intrigante. C’est une œuvre de commande en l’honneur du mariage de François III de Lorraine avec Marie Thérèse de Halsbourg (célébré à Vienne en 1736). Un édifice allégorique porte en triomphe les deux souverains entourés de la Cour sur les balcons adjacents. Mais qui fut ce Claude Jacquart dont peu d’œuvres subsistent (cathédrale de Nancy, Musée historique lorrain de Nancy…) parmi toutes celles qu’il a peintes dans de nombreux édifices du duché de Lorraine ?  Il faisait partie des nombreux talents artistiques jusqu’au rattachement de la Lorraine à la France en 1766. Les artistes les plus brillants se tournant alors ensuite vers Paris et les quatre coins de l’Europe. Les historiens Nicolas Le Clerre (*) et Gérard Voreaux (**) nous apportent des précisions : recommandé par le peintre Claude Charles, son maître, et sous la protection du Duc Léopold, Claude Jacquart part à 14 ans en 1700 faire son apprentissage en Italie. De retour 10 ans plus tard à Nancy, le Duc le consacre. »peintre ordinaire de Son Altesse Royale » et lui attribue l’honneur de réaliser la fresque monumentale illustrant l’Ancien et Nouveau Testament, qui ornera la coupole de la cathédrale de Nancy (1723-1727). Mais l’ouvrage déplut au commanditaire et signa sa disgrâce jusqu’à la mort du duc. On raconta même que la duchesse Elisabeth Charlotte lui lança ces propos peu aimables : « Je vous avais demandé un ciel et vous m’avez peint un enfer ! » (**). Il avait de quoi être déconfit pour le restant de ses jours. Néanmoins rien ne confirme que cet échec est responsable de sa mort prématurée à 50 ans, l’année où il grava Le temple de l’hymen. Composée quelques mois avant son décès, faut-il  voir dans ce beau morceau de gravure une marque d’allégeance sincère au jeune duc François III qui succède à Léopold, ou une marque d’estime au peuple des rues de Nancy qui l’ont vu naître (il était fils de charpentier).

(*) Nicolas Le Clerre (Le Duc et le peintre/ Lunéville, fastes du Versailles lorrain, Paris, 2003.
(**)Gérard Voreaux (Les peintres lorrains du XVIIIe siècle, Editions Messene, 1998

Claude JacquartScène de chasse, eau-forte et burin (1734) / Jacquart Fils – sans titre, eau-forte / Claude Jacquart –Le Temple de l’hymen, eau-forte et burin (1736) (38×50 cm) – Bibliothèque Stanislas, Nancy.

La gravure Le temple de l’Hymen a particulièrement suscité mon intérêt par un détail. Sur le devant de la scène du temple dressé à la gloire des puissants, l’avant-plan, telle une scène d’opéra m’a intrigué. C’est une mise en scène savamment orchestrée de la société de Nancy des années 1730 dans toute sa diversité (nobles, cavaliers, mendiants, femmes portant linge ou victuailles, ecclésiastiques, enfants, etc…)
Quelle motivation m’a conduit à privilégier cette étroite bande horizontale gravée pour amorcer une nouvelle fois le thème de la figure ? Je serais tenté de répondre par une autre question : pourquoi cette gravure hors du temps m’émeut particulièrement ? Par-delà le décalage temporel et esthétique, j’ai été intrigué par le souci méticuleux qu’a pris Jacquart à graver les figurants de l’avant-plan comme si ce thème le motivait plus que l’ornementation architecturale de l’arrière-plan. Véritable gravure dans la gravure, le traitement stylistique des personnages rompt avec la construction monumentale du fonds, comme si, par un retournement du sens, l’intérêt de l’image était porté sur l’avant-plan. Sur l’humain, donc, au détriment du cérémoniel et de l’anecdotique.  Mille détails émergent quand on observe à la loupe le fourmillement de ces gens : les postures, le traitement des figures par groupes séparés, l’ambiance de quiétude générale, et pourquoi, au milieu de ce calme une femme et son enfant nous font face dans des gestes apeurés ?

Claude Jacquart –Le Temple de l’hymen (détail), eau-forte et burin (1736) (38×50 cm) – Bibliothèque Stanislas, Nancy.

(cliquer sur l’image)

Cette image est un fragment que mon imaginaire subtilise pour raconter d’autres histoires, imaginaire lui-même irrigué sans doute de multiples réseaux souterrains (d’une lointaine lecture du Tableau de Paris de Louis Sébastien Mercier, par exemple…) « Ce que nous voyons, c’est le tableau traduit dans notre expérience propre » expose dans de belles pages Alberto Manguel (Le livre d’images, éditions Actes sud, 2001) : « nous fabriquons notre histoire à partir des échos d’autres histoires, de l’illusion de notre propre reflet, de connaissances techniques et historiques, de commérages, de rêveries, de préjugés, d’illuminations, de scrupules, d’ingéniosité, de compassion, d’esprit. Nulle histoire suscitée par une image n’est définitive ni exclusive, et les degrés d’exactitude varient en fonction des circonstances mêmes qui donnent naissance à cette histoire ». L’historien d’art plante les balises et trace une voie dans l’ordonnancement des figures et des styles, mais « si l’univers révélé par uneœuvre d’art demeure toujours extérieur à l’œuvre , l’œuvre d’art demeure toujours extérieure à son appréciation critique ».

      Par quels efforts de connaissance combler ce vide entre l’instant créateur contemporain de l’atelier et  l’instant ébahi de la redécouverte ? J’emprunte encore cette citation d’Alberto Manguel : « Touteœuvre d’art croît à travers d’innombrables couches de lecture superposées, et chaque lecteur la débarrasse de ces couches afin d’arriver à elle en ses propres termes. Pour cette dernière (et première) lecture, nous sommes seuls ».

Je me suis plongé dans cette étroite bande horizontale d’humanité, miroir grossissant de l’acte créateur de Jacquard. Il y a sans doute quelque chose de cannibale dans cette démarche. J’y ai projeté ma vision et mon imaginaire, rassemblant mes propres fragments épars…Si l’acte contemporain du dessin est quelque part un acte né de la transmission, il ne s’accomplit que dans l’oubli de ce qui a pu être dit ou écrit. Commençait alors le travail d’atelier.

Chair de papier, une suite gravée

Le regard qu’il m’est possible aujourd’hui de porter sur ces 3 gravures anciennes de Jacquart est double. D’abord, il est la prise de conscience d’un monde disparu que seul pourrait raviver le travail d’un historien d’art que je ne suis pas. Mais il est aussi le témoignage d’une humanité, qui, celle-ci, reste éternelle et nous relie à ce monde disparu. Le lien entre ces deux pôles est ma conscience poétique de ces images qui ont traversé le temps et m’éveuvent comme sans doute elles pouvaient émouvoir les contemporains de Jacquart, mais d’une façon autre qui me reste inconnue. Il existerait bien un autre lien fondamental entre Jacquart et moi, c’est celui de notre technologie de graveur à l’eau-forte, tant la pratique de notre confrontation à la plaque de cuivre, à notre attention soutenue aux morsures d’acide, aux subtilités de l’essuyage, n’a guère varié aux cours des siècles. Le langage change, mais non la main. Mais tenter de traduire cette vérité poétique de l’image par le biais de mon propre imaginaire et de ma propre subjectivité imposait de changer le langage. Le langage de la xylographie, par son côté minimaliste, a ce mérite d’aller au plus immédiat de cette quête tactile de l’image. De grands panneaux de bois ont servi de support à la gravure de nombreuses figures, sans prescience de composition. Ce long travail de gravure sur bois achevé, je disposais de ma matière brute dans laquelle je puisai mes motifs. Pas de redites, que des exemplaires uniques au gré de l’instinct et du pouvoir de transparence des fins papiers orientaux qui me permettaient superpositions, collage, travail sur l’envers. La galerie ci-dessous en livre quelques exemples (cliquer sur les images).

Chair de papier, suite gravée

Les Baltiques, de Claudine Rémy

Je suis couché sur mon lit les bras en croix. Je suis une ancre confortablement enfouie qui retient l’ombre profonde au-dessus d’elle. Cette grande inconnue dont je participe et qui est certainement plus importante que moi.
Tomas Tranströmer
Baltiques. Œuvres complètes – Poèmes 1954–2004, éd. Gallimard

les baltiques1

Claudine REMY, les Baltiques  1, et ci-dessous 2 à 6,
pigments acryliques sur  papier marouflé, 31,5 x 24 cm (2017/2018).
Photos©Nicolette Humbert

      L’exposition Baltiques de l’artiste Claudine Rémy nous accueille sur les cimaises de la galerie 379 de Nancy (*) avec une nouvelle série de plus de 20 peintures sur carton, pour la plupart de format 31,5 x 24 cm, travaux inédits aux surfaces mates et suaves et aux couleurs de terre et d’eau. Notre regard ne s’accroche pas ici à l’abrupt surgissement de formes qui déchireraient l’espace mais plonge dans une béance sourde à la lisière d’un matin ou d’un crépuscule incertain, parfois creusé de trouées blanches ouvertes sur une lumière intemporelle.
A défaut donc de repères tangibles, le regard tente dans une première approche d’ordonnancer quelques volumes, ouvertures dans l’espace et lignes d’horizon, afin de percer cette géographie du songe ou de la mémoire, sachant d’instinct qu’une vérité s’y cache appartenant à l’intime de l’artiste : un vestige de présence ou une mémoire enfouie…

      L’analogie est saisissante entre Baltiques, cette série nouvelle de peintures, et les séries antérieures intitulées Le pont d’amour et Têtes métaphoriques présentées déjà à la galerie 379 en 2011 (voir article Le pont d’amour de Claudine Rémy). Celles-là étaient nourries d’images mentales au carrefour d’une nostalgie d’enfance vécue sur les rives des lacs vosgiens et de souvenirs maternels. On observait déjà dans ces œuvres le même phénomène de transmutation du paysage mémoriel en peinture : « Que cette Terre soit fleurie, meurtrie ou universelle, c’est l’obsession d’un chez-moi, d’une demeure, d’une âme sœur, d’une mémoire, d’un sentiment d’appartenance qui se révèle. J’habite dans mes peintures. Les peindre est une sortie. » (Cl. Rémy, extraits).

      Il s’agit de quête, cette fois encore, inspirée non pas de l’album familial mais puisée dans l’expérience vécue d’un voyage en Allemagne, dans la région côtière de la mer Baltique, sur les traces de son père qui fut prisonnier de guerre, là-bas, au camp de Torgelow, de 1940 à 1945. Il en revint, meurtri, mais parla très peu par la suite de cette expérience douloureuse.

      Sa fille artiste portait en elle ce mutisme comme une lointaine souffrance  et elle avait ce désir fort de retourner sur ses pas, tout là-haut vers le Nord. En 2017, elle a fait ce voyage;  elle a découvert sur place quelques rares vestiges du camp et un mémorial. Elle s’est immergée dans le paysage, esquissant de tout son être une commune réalité entre elle et son père. De retour à l’atelier, elle travailla une année à cette série de peintures, bardée de ses souvenirs, ses ressentis et de tous ses  croquis et repérages photographiques. Et comme enveloppée, imprégnée aussi de l’œuvre de Tomas Tranströmer, ce grand poète suédois maître de la métaphore, dont les écrits, explorant la splendeur de la nature nordique et notre relation intime avec le monde, ont, dit-elle, « cimenté » son travail de peintre.

      Le souvenir du père ressurgit dans ce patient ouvrage intime qui va au-devant de sa figure lointaine et absente dans l’empreinte de ses pas. C’est une expérience de décantation dont le peintre est le médium et la peinture un espace ouvert à toutes les expériences sensibles, pour faire affleurer à la surface du papier ces entrelacs de paysage vécu, d’imaginaire et de nostalgie profonde. La nature sauvage de la Baltique et ses lointains horizons englobent l’espace entier du cadre, tendu au bord du réel, au-delà de toute temporalité.
C’est un paysage que l’on devine ou qui se cherche peut être lui-même, gardant en son sein la figure emblématique du père, laissant apparaître où bon lui semble la trace de sa présence : dans l’évanescence d’une rive sablonneuse, en lisière de forêt ou au milieu des embruns, les bras en croix telle une « ancre confortablement enfouie« , celle-la même qu’évoque la poésie de Tomas Tranströmer.

les baltiques2

 


(*) Galerie 379, 379 avenue de la Libération, Nancy / Exposition jusqu’au 13 octobre 2018
Ouverture du mercredi au samedi de 17 à 19 h et sur RV : 06 87 60 82 94 / 06 83 09 58 13
http://claudineremypeintures.ultra-book.com/ 
Remerciements à Nicolette Humbert pour les photographies .   

Portraits des Lumières

Je reviens avec cet article à une série de dessins déjà anciens intitulée « Portraits des Lumières » dont l’exposition inaugurale eut lieu en 2005 à la bibliothèque Stanislas de Nancy, dans le cadre du programme de Nancy 2005, le temps des Lumières. Un commentaire sur l’un des 33 dessins composant la série avait fait l’objet d’un précédent article, Le peintre et son modèle, à propos d’un dessin inspiré d’un portrait d’Anne-Marie Drant, peint vers 1785 par Dominique Pergaud qui était aussi son époux (Musée Charles de Bruyères de Remiremont). Dans ses grandes lignes, mon projet était de travailler la thématique du portrait, prenant prétexte de sources iconographiques conservées dans les collections publiques ou privées de Lorraine, visages lointains, célèbres ou anonymes ayant vécu au XVIIIe siècle en Lorraine.
Mais il ne s’agissait bien que de prétexte : une béance de plus de deux siècles m’offrait en partage l’apparence physique de parfait(e)s inconnu(e)s d’un autre espace temps, qu’aucune connivence ne pouvait combler. Prenant prétexte de ce regard lointain que l’artiste avait immortalisé par son pinceau sur sa toile, je m’inventais un nouveau personnage et je butais sur son énigme qu’une seule ressource pouvait combler : mon imaginaire… Un imaginaire d’autant plus attisé que le personnage représenté par le peintre était étranger à la grande Histoire et promis à un éternel anonymat. Et je parachevais ma démarche de dessinateur en associant à ce lot de personnages d’époque révolue quelques autres purement virtuels.
Ce qui m’intéressait était d’approcher la thématique du temps, de la trace, et dans ce basculement d’une vérité qui nous échappe inexorablement, au profit de l’invention et du faux-semblant. S’en est suivit cette série de 33 portraits fantasmatiques, réalisés dans un format 80 x 100 cm à l’encre de Chine et pinceau sur un marouflage de papier orientaux préalablement travaillé par gravure au monotype avec des encres grasses. Soit donc pour chaque dessin plusieurs couches de papier superposées et collées.

Depuis 2005, la série complète des dessins est conservée dans un coffret de bois verni à l’abri de la lumière, mais quelle ne fut pas ma surprise en soulevant récemment son couvercle : l’huile de lin parcimonieusement mélangée à l’encre grasse de la gravure avait par endroits contaminé les fibres des papiers, parcheminant par endroit les visages d’une belle coloration brune et chaude. C’était mon projet esthétique d’outrepasser le temps par une simple tentative de dessin, de porter vers un ailleurs ce qu’une main anonyme pensait fixer à jamais, et voici que la chimie naturelle continuait l’œuvre, au gré de sa fantaisie. J’y retrouvais l’esprit de mes fantasmagories, mais nourri et embelli d’une patine du temps qui m’enchante. Voici quelques uns de ces portraits présentés ci-dessous :

Ci-dessus : Jean-Marie Boutet de Montvel , acteur et dramaturge lorrain (1745-1812), d’après gravure.
Louis-Ferdinand de Nesle, dit « Gervais« , directeur des jardins de François III,  (vers 1750),  d’après peinture anonyme.
Elisabeth Charlotte d’Orléans (1676-1744), épouse duc Léopold,
d’après peinture attribuée à Pierre Gobert, Musée lorrain de Nancy.
Pierre Jobart, Maître des Comptes du Barrois, (vers 1700),
d’après peinture de Nicolas Dupuis – Musée des Beaux-Arts de Nancy.
Charles Palissot de Montenoy, auteur dramatique, opposant aux philosophes des Lumières (1730-1814) d’après gravure, Musée de la Révolution française.
Jeanne Chéron, Dame de la Congrégation de Lunéville, (vers 1730)
d’après peinture de Charles Louis Chéron – Musée du Château de Lunéville).
Jean-Baptiste Simonin (père), professeur au Collège royal de Chirurgie (1750-1836)
d’après peinture anonyme , Musée de la faculté de médecine de Nancy.
Marie-Françoise-Catherine de BEAUVAU-CRAON, Marquise de BOUFFLERS, (vers 1730)
d’après gravure – Bibliothèque Municipale de Nancy.

Jacques Koskowitz, la rigueur dans l’art

      Artiste lorrain, Jacques Koskowitz (1932-1997) a vécu quarante ans à Vandoeuvre. Sa ville lui rend aujourd’hui hommage en donnant son nom à la salle d’exposition de la Ferme du Charmois où une exposition de ses peintures, dessins et sculptures est présentée au public (*). C’est une opportunité trop rare de découvrir l’œuvre rigoureuse, multiforme et sans concession, à l’image de son auteur.

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autoportrait

Haut : Jacques KOSKOWITZ, « Café mon enfant », huile sur toile, 60×80 cm;
Cette peinture a le même titre que la biographie de JK dans laquelle il raconte son enfance dans le café de son père.
Bas : – Portrait de Jacques Koskowitz / personnage en carton peint, h.170 cm. © jc Taillandier
Portrait de Jeannine Rollot, huile sur toile, détail, vers 1970 / Personnage, carton, détail.©Blog les amis de JK.

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Les débuts
Pédagogue inspiré en lycée, école normale puis école des beaux-arts, il a transmis à de nombreux élèves sa vaste connaissance de l’art et au-delà, la culture de son époque. Insufflant savoir technique et vagabondage érudit parmi les grandes oeuvres du passé, il offrait à chaque étudiant plus qu’un savoir, il ouvrait le regard. En grand admirateur de Van Gogh, qu’il appelait fraternellement Vincent, il en lisait assidûment Les lettres à son frère Théo. Je dis fraternellement car il partageait sans doute intimement avec lui une précarité de vie teintée d’absolu dans une société qui ne reconnut pas son œuvre à sa juste valeur. Artiste à multiples facettes, il se tournera vers la production de films d’art pour FR3 consacrant des courts métrages à l’ensemble de ses pairs lorrains tels Ligier Richier, Georges de La Tour ou Claude le Lorrain, ou vers le décor de théâtre, ou la création d’affiches, la bande dessinée. Dès les années 60, il ne cessera de peindre, d’abord à la manière de Cézanne et Van Gogh,  pour aboutir dans les années 70 à une peinture très personnelle à la limite de l’abstraction, et avant un retour tardif au figuratif. Dès 1976 naîtront les Rouges Verts, ces clowns diaboliques et féroces créés avec son ami Michel Piotrkowski pour la troupe de théâtre « Piotr et Ko… et à la musique Bichou« .

      J’ai côtoyé et apprécié longtemps Jacques Koskowitz, cet homme secret et silencieux, voire taciturne, qui faisait partie du petit groupe d’artistes fondateurs de la galerie d’art contemporain associative Lillebonne de Nancy. Sa peinture violente et acérée, rigoureusement construite lui sortait du cœur comme un cri, éclaboussant à notre regard une colère et sans doute une douleur. Douleur née d’une enfance vécue pendant la guerre et l’Occupation,  et surtout générée de son sort d’appelé pendant la guerre d’Algérie. Par-delà l’apparence paisible de l’artiste, souriante et d’une humanité débordante, sa peinture en est paradoxalement sa face cachée qui braque en miroir la violence et la cruauté du monde. Terrible arme accusatrice que cette peinture ancrée dans son siècle, dans la lignée directe d’un Goya. Une violence sourde nourrit sa peinture et sa sculpture, mais qui ne s’installe jamais dans le confort d’un langage abouti. Il était ainsi, « Kosko », déroutant son fidèle public vers des voies inattendues, à la poursuite de territoires inexplorés, dont lui-seul en pressentait la cohérence. Il en fut ainsi de ses premiers portraits de pur classicisme des années 60, d’un figuratif évoluant progressivement vers l’abstraction avant un retour au figuratif. Son œuvre est une quête d’une vérité intime qui se joue des classifications esthétiques.

kosko51Haut : Jacques KOSKOWITZ, « paysage », huile sur toile, 80×33 cm, années 60.
Paysage ou portrait ? Une anamorphose présente un visage qui se desssine sur le paysage.© jc Taillandier
Bas : Sans titre, huile sur toile, 60×80 cm, vers 1970.©jm Dandoy

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       Dans une interview (La phrase et le reste, N°1, mars 1971) il questionne l’attirante blancheur de la toile encore vierge, avant le premier coup de pinceau qui scellera la rupture d’une harmonie préétablie, celle d’une lumière pure approchée par Malévitch et son carré blanc sur fond blanc… Absolu impossible de la peinture tout geste du peintre ne serait alors qu’une main tendue à « l’édification de la Règle parfaite ». Des plages de blanc surgissent dans la violence colorée de ses toiles, elles sont autant de trous d’air et de respiration dans l’échancrure des formes et la violence des couleurs.
Il mettra à contribution tout son vocabulaire plastique au service exclusif de cette vérité intime et fondamentale : violence du trait, du rythme, des lignes de force et des couleurs primaires qui transfigureront ces visages émaciés en masques ouverts à la béance du dedans, ou la frontière entre terre et ciel de ses paysages en geste rageur débarrassé de toute préoccupation du motif, impulsé du plus profond de son être. Ce geste qui strie l’espace, le lacère et le déchire est le geste fondateur du peintre solitaire, qui, comme il le citait lui-même « s’inscrit dans la durée, dans un travail en profondeur ».

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Jacques KOSKOWITZ, « tête de chien », h 40 cm / Boîte assemblage, carton, 25x30x25 cm.©jc Taillandier

      Ses personnages en carton ou bois, longilignes et colorés apparaissent dès 1976, sur la scène du théâtre, mais aussi en situation dans des lieux ouverts et quelquefois saugrenus. Hiératiques et froids, ils semblent tout droits sortis d’un univers de science-fiction, et sont acteurs muets d’un « théâtre de l’immobilité ». L’utilisation de la troisième dimension est récurrente dans son œuvre, à l’extrême enfermant ses personnages clownesques dans des espaces confinés, métaphore d’une télévision omniprésente condensant dans sa boîte noire la violence du monde et le formatage des têtes… Ce cri de révolte de l’art sort du cadre étroit de la peinture dont le langage exclusif serait désormais tenu  pour trop traditionnel et trop respectueux… Nous ne sommes plus dans l’exacerbation d’une révolte portée par l’expressionnisme des années 20. Ces personnages de carton sont bientôt rejoints par les Rouges-verts, deux clowns ricanants et cruels, émissaires du Mal dans un cirque de violence et de dérision. Ils sont les mutants agressifs des créatures burlesques  et diaboliques, les Pim Pam Poum, les Flash Gordon, les Pieds Nickelés qui peuplaient ses BD de jeunesse et l’enchantaient. Mais l’innocence a été perdue au contact de la cruauté du monde… Les Rouges-verts habiteront aussi sa peinture à la fin de sa vie, et leur humour grinçant peuplera surtout de nombreux dessins emplis de dérision cruelle et de désenchantement.


kosko81kosko91kosko121Jacques KOSKOWITZ, « Les Rouge-verts », dessins sur papier, 50×70 cm, années 80. ©jm Dandoy

      Plus qu’un peintre, Jacques Koskowitz était un plasticien. Il mettait à contribution de son message de révolte, toutes les ressources de la peinture, de la sculpture et du spectacle vivant, sans aucune concession aux modes. Nous pouvons sans doute parler à son propos de peinture tragique, d’une même peinture tragique qui animait Soutine, parce qu’elle traverse un temps tragique et que sa vie fut, elle-même, intimement traversée de tension et de désillusions.
Mais toutefois, l’optimisme n’y est pas absent. Le propos consiste à tenir tête, à dénoncer et à peindre encore, avec une foi inébranlable dans l’art. Il l’a écrit en ces mots :
« L’homme vieilli se refuserait de croire à l’incapacité qu’il serait de fixer la lumière intense qui, un court instant, d’une manière fulgurante avait ébloui le premier homme.
La dernière image qui nous reste de ce songe inconscient est celle de l’homme traçant l’ultime ligne du dessin. » (Jacques Koskowitz,  La phrase et le reste, hiver 1977)

(*) Exposition présentée du 19/09 au 13/10/2016 à la Ferme du Charmois de Vandoeuvre-lès-Nancy, et rendue possible par la collaboration et le prêt d’œuvres par la  famille et par les membres de l’Association des amis de Jacques Koskowitz.
Pour plus de renseignements sur l’artiste :
– Blog des amis de Jacques Koskowitz
– Blog Jean Michel Marche
– Association des Amis de Jacques Koskowitz,
14 rue du cheval blanc, 54000 Nancy, tel +33 (0)3 83 27 29 02.

3 Angles, regards sur le verre contemporain

      Dans la blancheur immaculée de ses trois salles d’exposition, c’est à une rencontre singulière que nous convie l’Espace d’art du Centre culturel Jacques Brel de Thionville. L’exposition collective 3 Angles présente trois approches de l’art contemporain autour du verre, en accueillant Yeun-Kyung Kim, Michèle Perozeni et Martine Luttringer. Trois artistes qui ont un lien étroit avec la Haute école des arts du Rhin de Strasbourg, puisque Michèle Perozeni y a été enseignante au sein du département verre, que Yeun-Kyung Kim lui a succédé et enseigne dans ce même atelier. Quant à Martine Luttringer, elle a fréquenté cette ancienne école des arts décoratifs en tant qu’élève pour devenir elle aussi enseignante en art appliqué auprès des élèves verriers à Sarrebourg.


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Yeun-Kyung KIM – Au fil du temps, cristal noir, fil, miroir, 2015
1000 roses en cristal noir – dimension du miroir : 40 plaques de 74,5 x 74,5 x 2 cm 
ci-dessous détail

       Le seuil d’entrée franchi, la configuration des lieux a l’aspect épuré d’une vaste chapelle blanche, tel un écrin auréolé de silence et de respect pour accueillir ce matériau mystérieux, modelé, trituré, soufflé par l’homme depuis le fond des âges. Il en a fait sa matière de prédilection pour traduire le trouble des sens, son regard métaphorique porté sur le monde ou plus intimement encore le dialogue qu’il entretient avec lui-même. Elle est là, je crois, cette étrangeté habitée par le verre : dans sa capacité à abolir le temps et porter témoignage archéologique de la puissance créatrice de l’homme depuis la préhistoire, et aussi d’offrir à notre regard présent sa texture fragile, transparente et impalpable, sensible à la lumière de l’instant. L’exposition apporte la démonstration du langage évolutif du verre à travers les œuvres récentes des trois artistes dont l’originalité de la démarche créatrice n’écarte pas un regard critique porté sur notre monde contemporain, qu’il soit dans le rapport de l’homme à son l’environnement, ou dans son rapport au temps ou à sa mémoire.

YKK2      « Au fil du temps » est le titre de la proposition plastique de Yeun-Kyung Kim : au premier regard, elle offre une vision métaphorique du temps à l’échelle astronomique, telle une nuée de météorites dans un espace-temps à multiples dimensions, exprimée par le miroir au sol qui renvoie la structure vers le haut. Le haut, certes, plutôt que le ciel tant ces centaines de structures semblent flotter en état d’apesanteur dans l’espace central de la galerie… Et puis on s’approche, pour distinguer alors en ces  masses sombres autant de roses de cristal noir en suspension, la tête pointée vers le bas, leurs tiges sont des fils transparents qui émergent du plafond en stries de lumière. Ces sculptures de verre se jouent des lois de la gravitation, énigmatiques par leur présence muette mais révélatrices d’un monde intérieur de l’artiste qui identifie ces roses à multitude de souvenirs et pensées liés à sa mère ou à sa famille vivant en Corée. Elles flottent dans la dimension du souvenir, immuables, impérissables, et gardent la fraîcheur de l’instant comme si le temps s’était arrêté. L’installation se transmue en autant de souvenirs dans le ciel de la mémoire, dans un va-et- vient poétique de reflets vers le miroir au sol autour duquel tout spectateur peut projeter ses propres fantasmagories.

3ANGLES3gauche : Michèle PEROZENIAprès-midi d’automne en Mauricie, cristal, hauteur 110 cm, année 2011 –
droit : Martine LUTTRINGERLarmes d’Afrique, verre et os, année 2015

      Il est aussi question de temps dans l’œuvre de Michèle Perozeni, d’un temps inexorable, mais qui pèse de tout son poids sur une nature instable. Le regard qu’elle porte sur une nature immense et conquise par l’homme délivre à ses œuvres une forte beauté poétique où se mêle un questionnement citoyen d’ordre environnemental et écologique. Ces sculptures de verre qu’elle présente ici sont nées d’un projet autour de l’Inlandsis, plus communément appelée calotte glacière. Fascinée par les terres arctiques, elle a trouvé en ces lieux immenses matière d’inspiration à des sculptures à la blancheur immuable. Blancheur qui concentre en elle toute la lumière de ses forêts ou de ses bois sculptés de caribous dans une éternité de verre et de glace, et en fige à jamais le souvenir nostalgique d’une nature vierge, manière de contrecarrer le temps qui passe inexorablement. Mais en même temps, nous savons tous que c’est l’affaire d’une tentative improbable. « Forêt improbable » est le titre donnée par l’artiste à l’une de ses sculptures : il est très peu de chance de retrouver une virginité des premiers âges, une forêt non souillée d’une main de l’homme avide de pétrole et de profit. Une autre trace inconsciente de lecture serait-elle aussi pertinente devant ces cornes d’animaux fréquentes dans l’art préhistorique, ces végétaux primitifs sertis de glace ? Ce serait celle d’une ancestrale pratique chamanique de relation archaïque avec les esprits de la nature. Citons l’artiste : « Mon univers est une page blanche, démesurée, désertique, âpre comme l’Arctique où se dissimule l’histoire de ces bois de l’humanité. Mon cercle polaire est peuplé de bois de cervidés dont la forme végétale à elle seule semble sortir de nulle part. Métaphores puissantes qui peuplent nos vies intérieures, un souffle silencieux au cœur. Autant de questionnements sur la dualité des rapports que l’homme entretient avec lui-même, la nature et les forces qui l’habitent. »


3ANGLES4Michèle PEROZENIForêt improbable  – cristal, longueur 120 cm, année 2011.

      Une approche toute aussi personnelle d’un rapport au temps habite l’œuvre peinte et sculptée de Martine Luttringer. Les dessins sur papier qu’elle présente en vis à vis de ses sculptures, frottis sur papier ou à la mine de plomb, sont des œuvres en soi. Dessins et sculptures prennent en compte une thématique propre à l’artiste dans tous ses travaux : des végétaux, cornes, ossement d’animaux, plumes, oiseaux, branchages… Le verre sculpté est le réceptacle de cet univers, qu’il environne de ses formes transparentes ou colorées, qu’il protège aussi de sa matière noble et lumineuse en gardien d’un territoire secret et d’un temps figé. On pourrait voir dans cette association d’éléments organiques ou d’histoire naturelle une nostalgie des cabinets de curiosités des siècles passés, collectionnant sang de dragon ou squelette de salamandre, mais il n’en est rien. S’il est une nostalgie à trouver dans cette œuvre, elle est ordre purement intime et supplée par une poésie de l’objet qui lui appartient en propre.  » Arpenter un territoire au rythme de la marche et des découvertes : voilà l’origine de mon travail. Mes peintures et mes sculptures sont des traces affectives, cérébrales, documentaires, infinitésimales. C’est l’émotion qui me guide dans cet aller-retour entre l’extérieur et l’intérieur de ma sculpture, entre rêve, désir et vestiges traces du temps. C’est l’horreur délicieuse d’Eros et Thanatos.  » écrit-elle… Ses œuvres habitent le territoire de la fantasmagorie, elles sont composées au gré de ses déambulations, de ses envies et de ses rêves.

3ANGLES6Martine LUTTRINGER – Ailes, verre, plumes, roche et fil, 2015.

      Cette exposition qui rassemblent trois artistes autour de verre contemporain,  présentée par Géneviève Jeandon, directrice du Centre Jacques Brel, est une réussite et une découverte. Ne la manquez pas.
À noter qu’elle fera place ensuite à une autre exposition importante qui présentera l’œuvre photographique de Sabine Weiss, invitée d’honneur dans ce même lieu dans le cadre décentralisé de la 19e Biennale Internationale de l’image de Nancy.

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gauche : Martine LUTTRINGERVanité emplumée, verre, os,plume et fil, hauteur 40 cm, année 2015.
droit : Michèle PEROZENIGlaciaire dérive – paraffine, année 2016.
3 ANGLES, regards sur le verre contemporain – Centre Jacques Brel, 7, place de la Gare, 57100 – Thionville
Exposition du 25 février au 23 avril 2016 du mardi au dimanche de 14 à 18 h. Fermée les 25, 26 et 27 mars.
www.centre-jacques-brel.com
Tel : 03 82 56 12 43
Source photo :  ©yeun kyung Kim / ©mperezoni / ©mluttringer