Outre-temps, la série gravée

Jean-Charles Taillandier – Allaria
planche vinyl pour le noir en cours d’exécution, 30×30 cm, année 2024

Jean-Charles Taillandier
Haut : – Alejandro / Allaria / Benedictvs
Bas : Raphaelo / Pontifex Maximvs / Scalchvs
gravures sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

Jean-Charles Taillandier – Maij MDC
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024
Jean-Charles Taillandier – MDCCXX
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024
Jean-Charles Taillandier – Sergiani
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

Ci-contre gravures :
Alexandre VIII, pape
Benedictvs IIII.P.M
Innocent 12, pape
Collection Bibliothèque Stanislas, Nancy.

L’aventure avait commencé pendant l’été 2022.
 Dans un article précédent intitulé Portraits d’Outre-temps, j’exprimais dans ce blog le défi graphique qui avait longtemps muri en moi suite à ma consultation à la bibliothèque Stanislas de Nancy d’un ensemble d’estampes dit Donation François Domergue de Saint-Florent. Cet homme de passion (1785-1875) rassembla sa vie durant une collection d’estampes originales de portraits de papes parcourant cinq siècles d’histoire, sur le temps long de la Renaissance italienne au Second Empire. C’était plus qu’un kaléidoscope d’images balayant les langages multiples du graveur (burin, eau-forte, lithographie…), j’y feuilletais dans ces trois recueils un répertoire de portraits hautement chargés d’une puissance symbolique, empreints de sacré, de respect et dévotion. Du temps de leur diffusion dans le monde chrétien, ils faisaient connaître l’aura charismatique du pape.

Que représentent pour mon propre attrait ces pièces de collection précieusement répertoriées sur les étagères d’une bibliothèque ? Par delà leur témoignage de virtuosité des maîtres graveurs d’antan, ma curiosité se nourrit indéniablement de leur anachronisme et de leur puissance symbolique. Au-delà de leur no man’s land temporel, stylistique et sacré, quelle connivence peuvent entretenir aujourd’hui ces images avec mon langage de graveur ? Que m’apportent-elles ? Comment pourrais-je me réapproprier l’essence formelle de ces portraits, de la façon dont on s’invente une fiction, quitte à perturber les temps, les identités, les ornements ?

C’est ce projet graphique qui se concrétisera et se déploiera jour après jour dans l’atelier, après multiples tâtonnements. Mon imaginaire prendra le pas sur l’aspect analytique de chaque image, les traits, les physionomies des visages vont se confondre, pour donner finalement naissance à cette inédite série de portraits d’outre-temps, que l’on pourrait qualifier de “virtuels“, où se réinventent des visages ornés de graphies latines fragmentaires puisées dans le corpus original.
Délaissant leur vocabulaire graphique originel, comme pour mieux m’inventer une fiction, j’ai opté pour le langage épuré du trait gravé en relief dans une planche vinyl avec les couleurs du noir, du rouge, et parfois du gris.


Jean-Charles Taillandier
Haut : Lebende / Magnvs
Bas : Omitibvs Ro / Omitibvs Roma
gravures sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

Jean-Charles Taillandier 
Gravitas / de tout cœur / Ficit or
gravures sur vinyl, 30×30 cm, année 2024
Jean-Charles Taillandier Ioann XVI
Ci-dessous : ses 2 planches vinyl gravées, l’une pour le noir, l’autre pour le rouge.
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

Clins d’œil à Jacques Callot, la série gravée

Jean-Charles Taillandier – 8. Double portrait à la collerette
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

Gravure 8 – Double portrait à la collerette (ci-dessus).

Rencontre improbable d’un autre temps pour la dame à la petite coiffe relevée en arrière présente dans la gravure de Callot. Cette gravure aurait pu appartenir à la série précédente Entre Elles.

Jean-Charles Taillandier, L’interview, estampe numérique de la série Fake News en dentelles. format 13 x 17,5 cm sur Arches, année 2020 – source bmi Épinal.

Séduit par certains portraits au hasard de mes découvertes dans les musées et expositions, il m’arrive de questionner du regard ces témoins muets d’un monde clos. Une séduction s’opère, due à la beauté de l’œuvre et à tout ce mystère autour d’une simple image. À moins qu’il ne s’agisse simplement de la beauté d’un mystère. C’est sans doute une affaire de regard inassouvi car la présence reste muette, sans réponse… Alors je m’invente une fiction, quitte à brouiller les postures, les époques, et à donner plein pouvoir à l’imaginaire, ajoutant un nouveau maillon à ce que je crois être la vérité d’une image…
C’est une démarche qui ne m’est pas nouvelle. Dans mon incursion dans le domaine de l’estampe numérique, le projet Fake news en dentelles avait pour propos un détournement de personnages du dix-septième siècle hollandais, gravés par Peter de Jode. Je les avais déconnectés de leur époque pour en détourner bien ironiquement leur profil, et ainsi faire mentir leur image. De retour, ensuite, à la gravure en relief, successivement dans les séries Portraits d’outre temps et Portraits invraisemblables, je revisitais en toute innocence d’historicité une collection de portraits gravés de papes conservée au Cabinet des estampes de Nancy. Puis, dans la série Entre Elles, une offrande à la belle florentine, j’invitais des modèles féminins distinguées dans l’histoire de l’art à basculer dans notre univers temporel contemporain, l’espace d’une rencontre incongrue.

Clins d’oeil à Jacques CALLOT s’inscrit dans cette démarche de graveur. Elle m’a été inspirée d’une suite de douze estampes de ce célèbre graveur lorrain du dix-septième siècle, issues de la collection Jules Lieure et conservées au Musée des beaux-arts de Nancy. Sous le titre La noblesse, cette suite gravée entre 1620 et 1623 rassemble des portraits en pied de personnages inconnus, seigneurs et dames de Lorraine contemporains de l’artiste, mis en valeur dans un décor en arrière-plan de rues et places. Cette belle suite gravée de Jacques Callot fut une invitation à une nouvelle affaire de regard, et de connivence, où l’imaginaire se joue du passé.

Après six mois de travail à l’atelier, la série gravée Clins d’oeil à Jacques CALLOT est aboutie, avec la réalisation d’un premier tirage en 2 ou 3 couleurs des douze gravures en relief qui la composent. Je vous en présente neuf d’entre elles dans le déroulé de cet article.

Jean-Charles Taillandier, Pontifex maximus, gravure sur vinyl de la série Portraits d’Outre temps, format 30×30 cm, année 2023 – source Cabinet des estampes, bibl. Stanislas, Nancy.
Jacques Callot, Gentilhomme au manteau bordé de fourrure tenant ses mains derrière le dos, eau-forte, 143×92 mm, vers 1620, inventaire 40.1.456 / La dame de profil ayant la main dans son manchon, eau-forte, 144×93 mm, vers 1620, inventaire 40.1 – Musée des beaux-arts de Nancy.
Jean-Charles Taillandier – 7. Portrait mystère.
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

La jeune fille de la gravure originale de Jacques Callot est référencée dame à la petite coiffe relevée en arrière. Certains ont cru reconnaître un portrait de la femme de l’artiste. Elle prend la pose, attentive et figée dans ses plus beaux atours. Elle porte une croix autour du cou et à la taille et au bras quelques ornements de perle. Elle tient entre ses doigts un objet que je ne parviens pas à identifier. Mais ce qui m’attache à elle, surtout, c’est son regard plein de questions et de crainte mêlées. Je ne retiendrai d’elle que ce visage comme échappé du col d’un grand manteau noir sur le devant d’un drapé rouge.

Gravure 5 – Mon beau miroir

Jean-Charles Taillandier – 5. Mon beau miroir.
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

Le gentilhomme aux mains jointes est comblé d’aise devant son miroir, je lui ai offert un nouveau couvre-chef…

Gravure 6 – Le silence des mots

Jean-Charles Taillandier – 6. Le silence des mots.
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

J’ai longtemps questionné la gravure de J. Callot  la dame coiffée d’un grand voile et à la robe bordée de fourrure. D’emblée je la sentais perdue dans ses pensées au milieu d’un vaste ciel. Était-elle une dame de la noblesse, une religieuse ? C’est une présence en majesté, en-soi déjà intemporelle. Après plusieurs essais sur calque, j’ai retenu l’option de l’environner d’un cadre presque vide fermé par deux pans de couleur rouge.

Gravure 3 – La bourse et la vie

Jean-Charles Taillandier – 3. La bourse et la vie.
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

Gentilhomme enroulé dans son manteau de fourrure… Le personnage de J. Callot est bien élégant sur la place, mais j’imagine que la vie des gentilhommes devait être un peu rude en certaines circonstances…

Gravure 11 – Une surprise en robe rouge

Jean-Charles Taillandier – 11. La surprise en robe rouge.
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

Nous retrouvons ici La dame au profil ayant la main dans son manchon, de J. Callot, mais la voici bouche bée de stupeur ou d’admiration (?) face à son double vêtue d’une curieuse robe rouge bien frivole.  » Quelle indécence ma chère ! Encore une idée de graveur qui ne sait plus quoi inventer ! »

Gravure 10 – Le masque et la rose

Jean-Charles Taillandier – 10. Le masque et la rose.
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

D’après la dame au masque de J. Callot

Gravure 12 – Rencontre surprise !

Jean-Charles Taillandier – 12. Rencontre surprise !
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

La dame au profil ayant la main dans son manchon de J. Callot offre ici une nouvelle variation de rencontre féminine improbable entre deux univers. Elle encore aurait tout aussi bien trouvé sa place dans ma série précédente Entre Elles . Notamment en compagnie de la gravure sur bois Invitation à une soirée Halloween dont l’idée m’était inspirée d’un portrait de jeune fille encapuchonnée gravée par Claude Mellan, lui-même contemporain de Jacques Callot.

Gravure 4 – Salutations au rouge

Jean-Charles Taillandier – 4. Salutations au rouge.
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.

La salutation à la couleur rouge d’un gentilhomme qui salue en tenant son feutre sous le bras de J. Callot a une valeur toute symbolique puisque j’accorde particulièrement à la couleur rouge une place de choix dans le langage de mes gravures en relief.

Sans trop m’étendre sur ma technique de gravure, je dirais que l’impression de chaque gravure sur papier résulte de l’encrage superposé d’une planche principale, encrée en noir, qui porte le motif principal, et d’une, voire deux autres planches secondaires destinées aux couleurs rouge et grise. Tout le processus de la gravure manuelle elle-même dans la plaque vinyl ou bois, avec toutes sortes de gouges, est guidé par des esquisses sur papier ou calque et des repères de couleur sur les planches.
Je vous propose ci-dessous différentes étapes de ces travaux d’atelier ,en lien avec plusieurs des œuvres présentées.

Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Vue partielle de l’exposition

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Bonjour Monsieur Stella

Jean-Charles Taillandier – 1. Bonjour Monsieur Stella
crayon, encre et collages sur papiers, format 30×30 cm

J’ai consacré mon article précédent à la conception de ma nouvelle série gravée “Clins d’œil à Jacques Callot“. Elle aboutira à la présentation de douze gravures sur vinyl dont j’aborde actuellement le tirage : longue étape finale en deux, voire trois couleurs, avec obligation d’attente d’un long temps de séchage des encres entre chaque passage… Ce qui me conduira au clap de fin vers mi-novembre.

Une phase d’attente, donc pour moi à l’atelier, que j’ai mis à profit en classant certains de mes cartons à dessin, faisant alors germer l’intention de ce présent article. Rien de nouveau, à vrai dire, pour mes lecteurs qui suivent de gravures en dessins, mes interrogations sur le mystère des images de l’art, au gré de mes découvertes et de mes envies. Un lien invisible alors peut se tisser entre mon propre regard contemporain et l’œuvre d’un créateur lointain, dans un dialogue sans enjeu, sinon celui de se questionner l’un l’autre . Mon imaginaire y pourvoie au risque d’anachronisme ou de mensonge, mais peut importe après tout car la chaîne de l’émotion n’est pas rompue, et l’image continue à vivre sous d’autres cieux et d’autres récits.
D’où mon attrait à découvrir dans les collections des musées ou les bibliothèques publiques des portraits d’hommes et femmes oubliés de notre temps dont une main artiste nous a légué les traits et le regard. Affaire donc de regard, de mensonge et de réappropriation qui sert de réceptacle à ma propre respiration. Chaque rencontre inattendue est une nouvelle expérience d’expression graphique avec les outils du dessinateur et du graveur, comme l’est mon cheminement en cours avec douze figures gravées par Jacques Callot de la série « Clins d’œil à Jacques Callot« , ou le fut auparavant encore ma « relecture » de portraits vénérés de papes dans l’histoire avec mes « portraits d’Outre temps« .

Un de mes cartons rassemble des dessins inspirés des collections du musée départemental Georges de la Tour de Vic-sur-Seille. Admirateur de ce grand peintre lorrain, j’y avait déjà consacré en 2014 une série gravée sur bois intitulée « Rouge est la couleur du mystère« . Le musée, placé sous la figure tutélaire de son Saint Jean Baptiste dans le désert, rassemble aussi, du fait de ses donations et acquisitions, nombre d’œuvres d’horizons variés de l’histoire de l’art. Parmi elles, beaucoup d’œuvres portent  » une réelle attention aux êtres, une forme de pudeur »(*) nous mettant en relation avec une intimité de la peinture; et aussi avec de nombreux visages qui ont perdu depuis des siècles toute identité. Des toiles d’anonymes surgies de l’ombre renaissent sous une lumière nouvelle.
Parmi les peintures qui ont particulièrement éveillé mon plaisir et ma curiosité au hasard des salles d’exposition, je retiens ici deux œuvres qui ont suscité mes exercices de dessin.

Jean-Charles Taillandier – 2. Bonjour Monsieur Stella
crayon, encre et collages sur papiers, format 30×30 cm
Jean-Charles Taillandier – 3. Bonjour Monsieur Stella
crayon, encre et collages sur papiers, format 40×50 cm
Jean-Charles Taillandier – 4. Bonjour Monsieur Stella
crayon, encre et collages sur papiers, format 30x32cm
Jean-Charles Taillandier – 5. Bonjour Monsieur Stella
encre et collages sur papiers, format 30×30 cm
Jean-Charles Taillandier – 6. Bonjour Monsieur Stella
encre et collages sur papiers, format 30×30 cm
Jean-Charles Taillandier – 9 et 10. Bonjour Monsieur Stella
encre sur papier japon, format 85×55 cm / 60×22 cm.
Jean-Charles Taillandier – 1. Inconnue à la mante noire
encre et collages sur papiers, format 40×50 cm.
Jean-Charles Taillandier – 2. Inconnue à la mante noire
encre sur papier préparé, format 12×12 cm.
Jean-Charles Taillandier – 3. Inconnue à la mante noire
encre et collages sur papiers, format 40×50 cm.
Jean-Charles Taillandier – 6. Inconnue à la mante noire
encre et collages sur papiers, format 30×30 cm.
Jean-Charles Taillandier – 7. Inconnue à la mante noire
encre et collages sur papiers, format 30×30 cm.

(*) voir Catalogue des peintures, Musée départemental Georges de la Tour, éditions Serge Domini.

Musée départemental Georges de la Tour
Place Jeanne d’Arc – 57630 Vic-sur-Seille
Tel 03 87 78 05 30

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Offrande à la belle florentine

Jean-Charles Taillandier,  Offrande à la belle florentine
Inspirée de Portrait de Constanza Ghilandaio, peint par Ridolfo del Ghirlandaio, huile sur panneau, 1564, collection privée.
Tirage final sur papier Fabriano ivoire.

Cette gravure, Offrande à la belle florentine, est la plus récente de la série Entre Elles.
Elle est inspirée d’une peinture qui a fait l’objet d’un commentaire sur le net en mars 2020 (voir l’article), sous le titre Portrait de Constanza Ghilandaio, peint par Ridolfo del Ghirlandaio, huile sur panneau, 1564. C’est le portrait en buste d’une belle et noble florentine, au regard profond et lointain. Elle est coiffée d’une tulle légère et vêtue d’une robe noire au léger décolleté blanc. Elle a les bras repliés à hauteur de la poitrine et tient dans sa main gauche un tissu brun et blanc, tel un mouchoir de dentelle.

Elle adresse à nous, lointains spectateurs, ce regard perdu et interrogateur; j’ai pensé qu’il pourrait avoir pour cause un objet étrange et inconnu de son monde, qu’elle serre dans sa main gauche : une tablette graphique, par exemple… Une jeune fille d’aujourd’hui, à l’ample chevelure frisée, est présente à ses côtés. Elle lui a tendu l’objet et l’encourage de son geste à accepter l’offrande. Tel un cadeau d’accueil dans un univers qui transcende les temps.

Un croquis au stylo sur papier calque au format de la planche (50 x 50 cm – ci-dessous) en a défini la composition générale. Retranscrit sur la surface blanchie de la planche, le trait a guidé, en étapes successives, le travail de gravure en taille d’épargne sur le bois, jusqu’à un premier tirage de la matrice sur le plateau de la presse (avec encore par la suite d’autres menues corrections).
C’est pour moi un beau moment d’émotion de découvrir une image longuement méditée.

Tout naît d’un regard…

Cette suite gravée sur bois a pris forme sous le concept de la thématique unique du portrait féminin :
– Mettre en invraisemblable présence une femme d’un passé révolu aux côtés d’une femme d’aujourd’hui,
– Ou projeter dans notre univers contemporain une femme du passé dont l’anachronisme sera trahi par un simple détail (objet, détail vestimentaire ou singularité gestuelle).
Comment traduire par l’image ce hiatus et l’incohérence d’une telle situation qui ne sont concevables que sous l’angle de l’imaginaire ? Il me fallait donner corps et vraisemblance à l’intimité de leur présence. J’ai imaginé le regard de ces femmes empli d’un sentiment d’égarement, de solitude, mais aussi de bienveillance l’une envers l’autre.
Comment définir cet instant de stupéfaction qui met en étroite relation des êtres confrontés à la barrière du temps ? Dans ce moment étrange, nulle amorce de conversation verbale ne peut briser le silence… Et d’ailleurs dans quelle langage commun ?

S’amorce alors une petite mise en scène à un ou deux personnages dans leur cadre de papier. Elle demande à définir d’abord le choix des protagonistes : mes photographies personnelles, documents familiaux et dessins, ont inspiré les modèles féminins contemporains. Leurs consœurs lointaines peuplent par milliers les collections des musées, facilement accessibles grâce à leurs bibliothèques numériques. Leurs portraits peints ou gravés traduisent l’appartenance à leur époque ou à leur rang, induisent leur façon de se vêtir, se coiffer… de se mettre en évidence.
Je dois avouer que mon choix de sélection dans les collections, susceptible de servir mon projet plastique, a eu valeur très subjective. Métamorphosé en mon langage de graveur, il n’a pour finalité que de rendre vraisemblable un court instant de rencontre impossible.

Jean-Charles Taillandier,  Série Entre Elles, Portrait de femme à l’écharpe.
Inspirée de Isabelle 1ere de Lorraine, huile sur toile, par Ambito Fiorentino,
Galerie des Offices, Florence.
Bas :Travail préparatoire sur la planche gravée, 50 x 50 cm, année 2022.

Je vous présente ci-dessous plusieurs gravures représentatives de la suite Entre Elles.

Format de chaque planche : 50 x 50 cm – Tirage sur feuille Fabriano Pergamon au format 60 x 66 cm.
Tirage prévu à 15 exemplaires + 1 exemplaire de tête.
La série, amorcée dès l’année 2021 n’est pas close. De belles découvertes sont toujours possibles dans la richesse infinie des collections.
C’est une démarche évolutive, balisée par plusieurs articles en ligne de ce blog  :
Toute figure est un monde
Propos d’atelier sur « Entre Elles », une suite gravée
Trois variations sur Catherine

Invitation à une soirée Halloween
Inspirée d’une gravure de Claude Mellan, Portrait de Jeune fille, 1626
Donation Jacques Thuillier, musée des beaux arts, Nancy.
Le chandail de Mademoiselle Le Gras
Inspiré d’une gravure (G. du Change sculpt.), Mlle Le Gras, supérieure de la compagnie des filles de la Charité, vers 1640.
Donation Jacques Thuillier, musée des beaux arts, Nancy.
Catherine au tour du cou
Inspirée d’une peinture de Corneille de Lyon, Portrait de Catherine de Médicis, vers 1536,
Collection Pollesden Lacey, Surrey, Angleterre.
Une combattante
Face à face
Inspirée d’une peinture de l’Ecole flamande, Dame Bonne d’Artois, duchesse de Bourgogne,
Stadtliche Museen, Berlin.
Jeune femme au smartphone
Inspirée d’une peinture de Giuliano Bugiardini, Portrait de femme,
Palais Dorotheum, Vienne.
Le cri
Inspirée d’une peinture de Sandro Botticelli, Portraitd’Alfonsina Orsini,
Galerie Palatina, Florence, Italie.
Double portrait au livre
Couple
Inspirée d’une peinture d’Antonio Moro, Portrait de Catherine de Castille, XVIe siècle,
Musée du Prado, Madrid.
 Chut ! 
Inspirée d’une peinture d’Antonio Moro,  Portrait de Catherine de Castille , XVIe siècle,
Musée du Prado, Madrid.
Double portrait à la pomme.
Inspiré d’une peinture Renaissance italienne (?)
Questionnement
Inspirée d’une peinture de Pourbus l’Ancien, Portrait de femme, vers 1600,
Musée de Grenoble .
Chuchotements
Inspirée d’un autoportrait d Katarina von Hemessen non daté (vers 1550),
Bower Museum, Barnard castle, Angleterre.

Imaginaire des confins

Jean-François Laurent, L’homme de la Mancha – bronze, longueur 50 cm.

L’Espace d’exposition des Ateliers du canal, à Nancy présente les sculptures récentes de Jean-François Laurent et mes gravures murales marouflées sur toile *. La sculpture « L’homme de la Mancha » traduit bien l’esprit que nous souhaitons donner à cette exposition commune .
Au vœu archaïque et démiurgique du sculpteur de trouver sa forme dans le bronze et le feu répond pour le graveur la quête du trait dans l’acide et le cuivre au service de son imaginaire.

J’ai fait le choix d’exposer mes gravures murales et plusieurs autres d’une même esthétique, toutes par nature à exemplaire unique. L’initiative de ces travaux graphiques m’est venue il y a quelques années en retour d’un voyage à Lisbonne où j’y découvrais dans un musée ces vastes cartes marines sur parchemin, appelées portulans, gravées à l’époque du Moyen Âge et de la Renaissance. Ces cartes de géographie étaient représentatives du monde d’alors . Elles guidaient les voyageurs aux confins des horizons et des océans, jusqu’aux limites des mondes explorés. Au-delà de ces territoires étaient l’inconnu, l’informulé : tout un espace encore vierge sur le papier que dessinateurs et savants peuplaient de leur imaginaire : plantes, créatures, fleuves et animaux fabuleux… Tout un espace ignoré aux confins des terres lointaines, un monde encore à naître… J’y voyais une métaphore de la page blanche sur laquelle on trace son trait de crayon, toujours plus loin, dans un élan à poursuivre sa route avec l’étrange sentiment de ne pas savoir toujours où elle mène.

* Exposition du 22 septembre au 15 octobre 2023. Voir plus bas.

Jean-François Laurent, Éco-logique, bronze, hauteur 30 cm.
Jean-Charles Taillandier, Utopia, gravure et collages, 100 x 100 cm.

Les sculptures de Jean-François Laurent sont portées vers une célébration de l’humain, où domine la figure longiligne de l’homme et de la femme, en bloc monolithique dressé vers le ciel, ou traversé par le vide en son milieu.

Dans un article précédent (voir Jour de coulée), je rapportais ma visite à son atelier mosellan, un jour qu’il coulait lui-même ses sculptures d’après la technique de la cire perdue. C’est un long processus de création qui a traversé les âges, du modelage à la fonte, jusqu’à la phase délicate de la patine qui donne à l’œuvre sa peau et ses reflets. Le sculpteur partage ainsi avec le graveur, chacun dans leur langage propre, une tradition de gestes et de dialogue intime avec la matière.

Jean-Charles Taillandier, suite « Mille manants », panneau mural 1et 2
xylographies sur papier marouflés sur toile de lin, format 150 x 400 cm.

CLIQUER sur l’image pour visionner la gravure murale dans son intégralité.

J’avais déjà tenté l’expérience de la gravure murale dans une autre circonstance, en exploitant le langage rugueux de la gravure sur bois. L’expérience avait consisté à représenter un attroupement d’hommes sous le subterfuge d’une reproduction multiple d’un personnage cloné tout droit sorti de l’imagerie du quinzième siècle propre à Martin Schongauer. La gravure murale, longue au total de quatorze mètres, en sept fragments, utilisait les ressources d’une seule planche gravée à la gouge. ( voir article Mille manants). 
Ici, les gravures murales de la série Portulans ne reprennent pas ce procédé itératif d’impression. L’image est pensée et construite par assemblage de huit feuilles de papier distincts associés à d’autres fragments gravés. Je dis « fragments » car il s’agit bien de portions de gravures précédemment imprimées mises de côté parce que simples tirages d’essai abandonnés, ou en réserve pour des travaux futurs. Ils constituent dans un tiroir ma « banque de données ». La toile de lin consolide et sert de support à la composition d’ensemble à la manière d’une tapisserie. Je me fie au hasard des découvertes heureuses et des improvisations fructueuses.

Soit par exemple l’effet fortuit des empreintes dues à l’écrasement d’herbes et de végétaux sur une plaque de zinc. Les amis graveurs sont familiarisés avec cette technique ancienne du vernis mou qui emprisonnera dans le métal nervures et feuillages. Laissez reposer cette fossilisation de formes creusées par l’acide jusqu’à chasser de votre mémoire l’épisode de cueillette champêtre… Vous abandonnerez la plaque dans un recoin de l’atelier, et un jour, la saisissant par un bord ou un autre, vous y découvrirez l’estuaire, les pistes qui mènent aux montagnes ou à la mer ou au désert. Quitte à explorer plus loin ce creux né d’un acide trop gourmand, propice à toutes les aventures, et que le langage désespérément incongru de la gravure appelle un « crevé ».

Jean-Charles Taillandier, Paysage vert, gravure avec empreintes, et collages, 100×100 cm.

Jean-Charles Taillandier, Portulan 1
gravures et peinture marouflées sur toile, chacune 100×200 cm, exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier, Portulan 2
Jean-Charles Taillandier, l’échelle de Jacob
gravures et peinture marouflées sur toile, 150×150 cm, exemplaire unique.
Jean-François Laurent, Tentation, bronze, hauteur 35 cm.

La matière a ses lois. Le sculpteur est l’instigateur et le témoin d’un grand œuvre au processus long et épuisant, qui nécessite une somme d’expérience et de savoir-faire dans l’univers de l’air et du feu, avec l’éventualité de l’échec, même minime, qui ne peut être écarté. L’épisode technique de la coulée à son atelier révélait, je m’en souviens, une connivence extrême entre Jean-François Laurent et la matière. Jusqu’à l’étape ultime du processus d’oxydation et de patine qui donne enfin à la sculpture sa véritable carnation. Le sculpteur doit porter la pièce de bronze à sa plus pure expression, en ébarber les défauts et « l’habiller » d’une patine toujours discrète, car l’important, dit-il, est de « laisser la suprématie aux volumes« … Faire parler le vide et le plein, apprivoiser la lumière et l’ombre sur les ventres et les creux, mais ne jamais trop flatter l’épiderme du bronze au dépens du corps plein. La vérité se joue dans la masse. D’elle émanera la belle émotion et resplendira la sensualité du sculpteur.

Jean-François Laurent, La force, bronze, hauteur 35 cm.
Jean-François Laurent, Tête, bronze , 17×28 cm.
Jean-François Laurent, Silhouettes, bronze – hauteur 65 cm.
Jean-Charles Taillandier, La cité perdue
gravures et peinture marouflées sur toile, 100×103 cm, exemplaire unique

GALERIE D’IMAGES

Jean-Charles Taillandier, Gentilhomme des confins, gravure, dessin, collages – 100×100 cm
Jean-Charles Taillandier, Paysage bleu, gravure sur bois sur papier Japon, 110×80 cm, exemplaire unique.

GALERIE D’IMAGES

Merci de votre visite

Jean-Charles Taillandier, graveur / Jean-François Laurent, sculpteur

Jac Vitali, inventaire et manifeste

Jac VitaliDanseurs # 58, #56, #59, 2022
Cire et acrylique sur carton entoilé, chacun 33×23 cm.

Je connais Jac Vitali depuis de longues années, et j’en apprécie l’œuvre qui méticuleusement se construit sur la base d’un « enfoui » qu’il creuse et interroge, que ce soit par son langage de plasticien omniprésent, ou de créateur d’univers sonore associé à son passé de musicien. L’occasion nous sera donnée plus loin d’évoquer son rapport au son, qui associé à sa peinture, nourrira son langage personnel. De son propre aveu, inventaire et manifeste sont les deux mots-clés qui définissent sa démarche de créateur. Sa peinture opère des mutations, elle interroge la matière sur la réapparition dans une figuration répétitive où l’érosion questionne la réalité et la pérennité de l’image.
Il présente ainsi son travail de façon régulière depuis les années quatre-vingt-dix, en Lorraine où il réside, ou hors des frontières régionales (Oslo, Rabat, Oujda, São Paulo, Liège, Paris…). Au gré des expositions, il dresse l’inventaire de son monde intime, et ce n’est pas un hasard si beaucoup de ses expositions ont pour titre Manifeste… , dont le sens figuré du mot désigne, en droit maritime, la liste des marchandises composant la cargaison d’un navire dans ses cales.
Comme autant d’outils au service d’un art remède à l’adversité du monde.

Dans cet inventaire métaphorique, la thématique du danseur figure en bonne place. Selon son procédé de multiples métamorphoses d’un même motif, Jac Vitali l’a traitée une soixantaine de fois en douze années. C’est un long processus créatif, qu’il poursuit encore aujourd’hui, au cours duquel la figuration précise et répétitive se trouve transformée par l’érosion, l’effacement qui questionne la réalité et la pérennité de l’image. Cette image de danseur est inspirée d’une gravure de lutteur en position de défense, découverte dans une encyclopédie des années 1900. Dans cette série de peintures sur carton, il est nommé danseur, en miroir d’une citation que cite l’artiste : « dans un monde voué à l’immoralité, seul le danseur reste immobile ». On peut alors voir ces personnages comme la métaphore d’une protection face à l’adversité, face aux absurdités du monde.

Jac Vitali Pavane # 36, 2021
Cire, acrylique, papier préparé, carton entoilé sur châssis, 22×46 cm.

La série peinte « Pavane » est travaillée à la même époque. La pavane était une danse en vogue au seizième et dix-septième siècle, d’un caractère lent, solennel et plein de désinvolture. La figure du poisson en reprend ici la métaphore de l’évitement par la fuite. Telle une danse lente, les poissons se meuvent dans l’eau, certains remontent le courant, la plupart se dirigeant vers la gauche, synonyme en lecture occidentale d’un retour en arrière. Ils sont dépouillés, décharnés, de plus en plus dépossédés, mais libérés de toute contrainte et obligation. C’est l’image symbole d’une certaine désobéissance.

Les travaux plastiques sur papier ou toile que réalisent Jac Vitali depuis ses débuts ne sauraient être appréhendés sans une variable essentielle et primordiale : le temps. La distanciation opérée par le passage des années nourrit naturellement le regard intérieur de l’artiste dans sa façon de considérer le passé, qu’il soit son univers intime ou le monde. Il est une autre façon de capter les métamorphoses du temps, quand la technologie qui a pour fonction de capter les images du monde elle-même mute, et rend malléable toute figuration qui, de vérité palpable devient souvenir. C’est à cette expérience qu’il s’est livré dans sa série de peintures intitulée « Salamandre ». Autre métaphore : au Moyen Âge, on attribuait aux salamandres la faculté de vivre dans le feu, et c’était un nom utilisé en alchimie à un des phénomènes de sublimation de la matière : le passage de l’état solide à l’état gazeux. Soit donc il y a quarante ans une capture d’écran de magnétoscope qu’il opère par prise de vue photographique, laquelle est retravaillée en labo, et, par transferts successifs devient peinture. La peinture est ainsi réceptacle d’un support sensible qui passe à travers différentes techniques. Une (autre) image naît au travers des métamorphoses du temps. « Là cette image est à lire comme le fantôme d’une présence qui reste intouchable, l’apparition d’une future et possible invisibilité. J’aime l’idée d’un croisement entre la vaillance et l’effacement ».

Jac Vitali Salamandre #7 , 2021
technique mixte, carton entoilé sur châssis, 25×44 cm.
Jac Vitali – Retour du naturaliste, 2014
dispositif sonore, cire et acrylique sur toile, chaque panneau 200×175 cm
Halle à grains – Château des Lumières de Lunéville.


Le temps, facteur d’évanescence de toute chose et des évènements du passé tourne aussi le regard de l’artiste vers son univers d’enfant, et sa propre mémoire qui nourrit son œuvre. Ainsi en 2007-2008, il intervient sur le thème de la mémoire ouvrière pour la ville de Baccarat dans le cadre d’une résidence d’artiste.
De janvier à septembre 2014, Jac Vitali est invité en résidence au Château des Lumières de Lunéville. Installé sur le site de la Halle à grains, son « atelier-yourte » se veut un atelier ouvert au public, qui peut rencontrer pendant cinq mois le plasticien autour des questions liées à la conception d’une œuvre : quatre grandes toiles sur l’apparition d’une forme animale (le cerf) symbolisant sa rencontre avec le château, qui date de sa petite enfance, quand le lieu abritait un musée zoologique. Cette création conçue pendant la première partie de la résidence a été présentée au public et associée à Ma secrète entreprise, exposition retraçant deux décennies de son travail personnel.

Nous avons évoqué plus haut son passé de musicien. Jac Vitali a très tôt évolué dans le monde de la création musicale – une période révolue, vécue avant tout comme un espace de liberté, un temps qui va beaucoup compter dans le cheminement vers son travail de plasticien. Parallèlement, il poursuit sa méthode d’exploration de sa matière sonore pour l’associer à la dimension iconographique de ses toiles. Dès lors, la nécessité de composer la bande-son d’un film que serait la forme picturale s’impose à lui pour installer sa peinture, chargée d’une nouvelle apparence.

Jac Vitali – Coffret Manifesto, 2022 (*)

Ces environnements singuliers de résonances et de boucles hypnotiques, associées à ses peintures, ont fait l’objet de nombreuses installations exposées en galerie et centres d’art depuis plus de vingt ans. À partir de 2002, il collabore avec les éditions La Dragonne animées par son fondateur Olivier Brun, ainsi qu’avec l’écrivain poète belge Pascal Leclercq, sous la forme d’un dialogue entre écriture, peinture, typographie et recherches sonores. S’en suivront une dizaine d’ouvrages et de nombreuses performances en public qui associent la lecture de l’auteur aux interventions instrumentales in situ du plasticien. Son long compagnonnage artistique avec Pascal Leclerc est jalonné de livres d’artistes dont témoigne par exemple la peinture « Qui reconnaîtra sa maison ? » réalisée en 2022.
Cette même année voit la publication du coffret Manifesto (*) qui présente une sélection d’environnements sonores : un CD audio et un livret dans une édition limitée et signée, enrichie d’une peinture originale.

Jac Vitali – Qui reconnaîtra sa maison ? 2022
Cire, acrylique sur toile, 30×15 cm.
Jac Vitali ©Patrick Blaise

Jac Vitali – Coffret Manifesto, 2022 (*)
– coffret carton
– livret 20 pages, numéroté et signé, 20 x 15 cm « Hand made » impression jet d’encre et acrylique sur Centaure Ivoire,
Ramsès Calligraphie, Clairefontaine noir et carton bois.
« Inventaire » : un CD audio 18 titres, 60’45 »
– Une peinture originale signée et datée, acrylique sur papier préparé, 24×16 cm.

Coordonnées de l’artiste
Instagram : https://www.instagram.com/jac_vitali/?hl=fr
mail : jacques.vitali@neuf.fr

Autres informations sur l’artiste : http://www.taillandier-art.com/vitaliindex.htm