Outre-temps, la série gravée

Jean-Charles Taillandier – Allaria
planche vinyl pour le noir en cours d’exécution, 30×30 cm, année 2024

Jean-Charles Taillandier
Haut : – Alejandro / Allaria / Benedictvs
Bas : Raphaelo / Pontifex Maximvs / Scalchvs
gravures sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

Jean-Charles Taillandier – Maij MDC
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024
Jean-Charles Taillandier – MDCCXX
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024
Jean-Charles Taillandier – Sergiani
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

Ci-contre gravures :
Alexandre VIII, pape
Benedictvs IIII.P.M
Innocent 12, pape
Collection Bibliothèque Stanislas, Nancy.

L’aventure avait commencé pendant l’été 2022.
 Dans un article précédent intitulé Portraits d’Outre-temps, j’exprimais dans ce blog le défi graphique qui avait longtemps muri en moi suite à ma consultation à la bibliothèque Stanislas de Nancy d’un ensemble d’estampes dit Donation François Domergue de Saint-Florent. Cet homme de passion (1785-1875) rassembla sa vie durant une collection d’estampes originales de portraits de papes parcourant cinq siècles d’histoire, sur le temps long de la Renaissance italienne au Second Empire. C’était plus qu’un kaléidoscope d’images balayant les langages multiples du graveur (burin, eau-forte, lithographie…), j’y feuilletais dans ces trois recueils un répertoire de portraits hautement chargés d’une puissance symbolique, empreints de sacré, de respect et dévotion. Du temps de leur diffusion dans le monde chrétien, ils faisaient connaître l’aura charismatique du pape.

Que représentent pour mon propre attrait ces pièces de collection précieusement répertoriées sur les étagères d’une bibliothèque ? Par delà leur témoignage de virtuosité des maîtres graveurs d’antan, ma curiosité se nourrit indéniablement de leur anachronisme et de leur puissance symbolique. Au-delà de leur no man’s land temporel, stylistique et sacré, quelle connivence peuvent entretenir aujourd’hui ces images avec mon langage de graveur ? Que m’apportent-elles ? Comment pourrais-je me réapproprier l’essence formelle de ces portraits, de la façon dont on s’invente une fiction, quitte à perturber les temps, les identités, les ornements ?

C’est ce projet graphique qui se concrétisera et se déploiera jour après jour dans l’atelier, après multiples tâtonnements. Mon imaginaire prendra le pas sur l’aspect analytique de chaque image, les traits, les physionomies des visages vont se confondre, pour donner finalement naissance à cette inédite série de portraits d’outre-temps, que l’on pourrait qualifier de “virtuels“, où se réinventent des visages ornés de graphies latines fragmentaires puisées dans le corpus original.
Délaissant leur vocabulaire graphique originel, comme pour mieux m’inventer une fiction, j’ai opté pour le langage épuré du trait gravé en relief dans une planche vinyl avec les couleurs du noir, du rouge, et parfois du gris.


Jean-Charles Taillandier
Haut : Lebende / Magnvs
Bas : Omitibvs Ro / Omitibvs Roma
gravures sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

Jean-Charles Taillandier 
Gravitas / de tout cœur / Ficit or
gravures sur vinyl, 30×30 cm, année 2024
Jean-Charles Taillandier Ioann XVI
Ci-dessous : ses 2 planches vinyl gravées, l’une pour le noir, l’autre pour le rouge.
gravure sur vinyl, 30×30 cm, année 2024

2 x 6 : le dessin voit double

Jean-Charles Taillandier  3- Le fil de laine (fragments), année 2025.

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Jean-Charles Taillandier  1- Les mains jointes, année 2025.
Haut : encre sur calque/fragments gravés/collage, 30×31 cm.
Bas : encre sur papier Japon, 31×30 cm.

J’aurais pu intituler, par exemple, ce nouvel article « Traits épars », ou « Éloge de la main » en référence au beau texte d’Henri Focillon, mais j’ai préféré ce titre plus énigmatique « 2 x 6 : le dessin voit double » qui illustre cette démarche d’expérience graphique. Elle n’est toutefois pas nouvelle, je l’avais évoquée dans une précédente page de mes carnets de dessin en 2022 (pages de carnet- Éloge de la main).
Soit donc un dessin de mains tracé au trait de plume à l’encre de Chine. Il est centre de gravité d’une présence humaine dont la silhouette est affirmée ou simplement ébauchée d’un trait ou d’une teinte dans l’évanescence de sa forme.

Ces mains portent témoignage d’une présence singulière d’un homme ou d’une femme qui furent photographiés aux alentours des années 1900. Chaque famille conserve sa boîte d’archives avec ces clichés jaunis aux bords dentelés, portraits d’aïeux d’un cercle familial ancien dont on ne sait plus rien, ou si peu. Les miens étaient laboureur, artisan ou couturière dans les villages du Val de Loire.
L’amorce de mon dessin s’est donné pour principe de respecter l’aspect et la posture authentique de leurs mains qui furent l’outil fidèle pour façonner leur vie… une vie de mystère pour le spectateur lointain que je suis. J’ai alors comblé ce mystère par un imaginaire graphique qui remplit l’espace tout autour de ces mains.

Jean-Charles Taillandier  2- Les mains caleuses, année 2025.
Haut : encre sur calque/fragments gravés/collage, 30×29 cm.
Bas : encre sur papier Japon, 30×31 cm.

Mon choix a porté sur six de ces photographies anciennes.
Chacune d’elles m’a inspiré deux dessins distincts.
Le premier est articulé sur le motif essentiel du positionnement des mains du modèle, représenté souvent en position assise et figée, propre aux clichés de ce temps. Les mains sont travaillées au trait à l’encre noire sur papier calque. Autour d’elles gravitera la composition entière sur la feuille de format moyen 30×30 cm, par essais de collage et superpositions de motifs graphiques.

Le second dessin s’inspirera du précédent. Il sera composé sur une feuille unique de fin papier blanc ou de couleur. En quelque sorte, ce sera une variation spontanée de l’idée initiale aboutie par le premier dessin.

Jean-Charles Taillandier  3- Le fil de laine, année 2025.
Haut : encre sur calque/fragments gravés/collage, 31×31 cm.
Bas : encre sur papier de Chine, 32×31 cm.

Jean-Charles Taillandier  4Sérénité, année 2025.
Haut : encre sur calque/fragments gravés/collage, 31×29 cm.
Bas : encre sur papier de Chine, 28,5×29 cm.

Jean-Charles Taillandier  5- Une paysanne, année 2025.
Haut : encre sur calque/fragments gravés/collage, 37×29 cm.
Bas : encre sur papier de Chine, 30×29,5cm.

Jean-Charles Taillandier  6- L’écrin, année 2025.
Haut : encre sur calque/fragments gravés/collage, 30×28 cm.
Bas : encre sur papier Japon, 29×25,5 cm.

Coffrets d’artiste #3 FIGURES HUMAINES

Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 2
crayon et fusain sur état gravé, format 23 x 28,5 cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 1
crayon, encre et fusain sur état gravé, format 24 x 32 cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 3
crayon, collage et fusain sur état gravé, format 24 x 32 cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 6
crayon et collage sur état gravé, format 23 x 28,5 cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 7
collage sur état gravé, format 25 x 25 cm.
exemplaire unique.

Ce coffret rassemble onze variations à exemplaire unique sur la thématique du portrait. Elles ont pour base de travail des états de tirage de plusieurs portraits gravés sur cuivre à l’eau-forte et aquatinte, d’un format moyen de 30×24 cm.
Chacune de ces variations trouve prétexte à projet de portrait imaginaire, avec recours au crayon, encre, collages ou déchirures sur la base d’une surface encore informelle .

Jean-Charles Taillandier 
En vis à vis :
(G) plaque de cuivre gravée pour Guerrier 3, format 23 x 29,5 cm.
(D) : plaque de cuivre gravée pour Figures Humaines 3, format 23 x 28,5 cm
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 4
crayon et fusain sur état gravé, format 24 x 32,5 cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 5
crayon, fusain et encre sur état gravé, format 24 x 28,5 cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 9
collage sur état gravé, format 22 x 22 cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 10
collage sur état gravé, format 23,5 x 29cm.
exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier – Figures Humaines 11
collage sur états gravés, format 26 x 29,5 cm.
exemplaire unique.
Onze variations sur papier composent ce coffret FIGURES HUMAINES.
 Chaque variation
est unique, de format moyen 24 x 30 cm,
sous forme d’esquisse et collages sur états gravés.

Le coffret a été réalisé avec la collaboration
de  Atelier 4 Reliure, Jarville-la-Malgrange.

Dimensions externes du coffret : 35 x 52 x 3,5 cm.
 

Année 2025.
 
EXEMPLAIRE UNIQUE

À découvrir aussi

Portraits invraisemblables

La suite Outre-temps, gravée sur dalle de sol vinyl, est désormais close avec l’achèvement du tirage de la dix-septième et ultime pièce composant l’ensemble. Trois articles précédents de mon blog (La gravure dans tous ses états, puis Portraits d’outre-temps, et enfin Toute figure est un monde) ont été consacrés au déroulé de ces travaux en atelier, depuis leur genèse à l’été 2022. En quelques mots, je rappellerais à mes nouveaux amis lecteurs que cette suite gravée est un exercice sur la thématique du portrait qui me tient à cœur. Plus précisément dans ce cas, elle questionne mon regard confronté à l’image ancienne, par sa nature même chargée d’anachronisme et de mystère. Cet attrait pour le visage d’un autre temps n’est pas nouveau pour moi. Je l’ai pratiqué en dessin et gravure, avec mes tentatives d’approche de portraits d’inconnus qui dorment dans les réserves des musées (voir l’article Portraits vains). Mais dans le cas présent, il ne s’agit pas d’anonymes oubliés de l’histoire, mais de portraits gravés de papes, puisés dans les trois volumes d’une collection privée désormais conservée au cabinet des estampes de Nancy : une précieuse iconographie à la disposition de mon invention…

Ce qui m’interpelle dans cette collection unique n’est pas le portrait individualisé très codifié de chacune de ces personnalités. Au temps lointain de leur diffusion, ces estampes transmettaient le portrait de l’homme le plus puissant dans le vaste espace géographique de la chrétienté. Elles étaient beaucoup plus qu’un portrait, elles étaient vecteurs d’un pouvoir immense que chacun pouvait approcher par le biais d’une simple image imprimée.
Mais bien loin de leur temps, comment ces images me parlent encore, au delà de leur vraisemblance ?
… Une aubaine au profit d’un imaginaire graphique personnel, parfaitement subjectif et libre,
C’est un no man’s land temporel, stylistique et sacré que j’ai tenté de franchir avec mon langage de graveur.

L’imaginaire prenant le pas sur l’aspect analytique de l’image, les singularités de chaque visage se dépersonnalisent. Dans ma volonté affirmée de ne plus les assujettir à leur vérité historique, je n’ai pas cherché à me renseigner sur l’histoire de ces papes et leur destin. Leurs traits deviennent signes, comme deviennent signes les inscriptions latines qui accompagnent en bordure dans des cartouches l’identité du sujet. La graphie des visages et des écritures se dissolvent au profit d’un nouvel alphabet plastique qui sera le matériau de mes images sur les calques, dessins préparatoires et textures de fond.

Priorité à l’image, donc…

Afin d’illustrer l’esprit de cette suite gravée Outre-temps qui comprend au total dix-sept œuvres différentes , je vous présente ci-dessous le processus aboutissant à deux gravures distinctes de la suite gravée, toutes deux inspirée de la gravure originale ci-dessous, qui fait partie du premier recueil :

Portrait du pape Jean XVI, né Johannes Phil Agathos, mort en 998.
Eau-forte XVIe siècle, artiste inconnu .
Recueils de portraits gravés des papes, 3 vol., Bibliothéque Stanislas, Nancy.

Je privilégie le dessin du regard qui va s’imposer dansune mise en place graphique dans un carré de 30 cm de côté.
Ce format est commun à toutes les planches de la série. L’ébauche générale est tracée sur papier calque inversible
(ne pas oublier que l’image doit être pensée à l’envers en prévision de l’impression future sur papier report).
Des corrections ou ajouts s’opèrent sur des fragments de calque collés en superposition.
Une ébauche de couleurs ou grisé sur papier, placée en couche inférieure aide à la mise en place
des masses et au partage des surfaces en deux planches qui se superposeront à l’impression
(planche 1 imprimée en noire, planche 2 imprimée en rouge).

La structure générale de l’image étant acquise sur le calque d’ébauche, elle est reportée sur la planche vinyl préparée.
La gravure en creux à la gouge peut commencer, évidant ce que seront les zones préservées de l’image imprimée.

Planche 1 imprimée à l’encre noire

Planche 1 imprimée à l’encre noire et planche 2 imprimée en rouge

IOANNES XVI : impression sur papier des 2 couleurs en superposition.
Estampe finale numérotée et signée.

Seconde ébauche à partir du portrait d’origine du pape Jean XVI.
Sur la planche 1 destinée au noir, je prévois sur la partie basse la graphie d’un manteau que je soulignerai de rehauts de rouge avec la planche 2, Sur la partie droite, large composition latine verticale empruntée à une autre gravure originale. Même principe du calque pour déterminer le positionnement de l’image d’ensemble.

Je commence ici le travail de gravure sur la plaque vinyl, réservée au noir,
après avoir effectué le report du tracé au crayon.

Le travail de gravure avance après avoir évidé complètement l’emplacement réservé à la couleur rouge.

Fin du travail de gravure de la planche 1 destinée à être encrée en noir.

PONTIFEX MAXIMUS : sur presse, impression sur papier des 2 couleurs en superposition.
Estampe finale numérotée et signée.

Puis arrive le temps du tirage des épreuves sur ma presse,
et séchage à l’atelier…

OUTRE-TEMPS, une suite gravée

Dix-sept gravures sur dalle vinyl
Format de chaque planche : 30 x 30 cm
Impression sur papier parchemin Fabriano, 230 gr, format 50 x 70 cm
limitée à 20 exemplaires, par l’artiste à son atelier.

La suite complète OUTRE-TEMPS sera disponible sous cadre
à disposition des galeries et artothèques.
En préparation pour 2024 : une édition de tête sous coffret,
en collaboration avec les Editions 379 – Galerie artothèque 379, Nancy.

Pour tout contact : taillandier.jc@orange.fr

Et on se quitte avec la douzième gravure de la suite Outre-temps : SCALCHUS

Imaginaire des confins

Jean-François Laurent, L’homme de la Mancha – bronze, longueur 50 cm.

L’Espace d’exposition des Ateliers du canal, à Nancy présente les sculptures récentes de Jean-François Laurent et mes gravures murales marouflées sur toile *. La sculpture « L’homme de la Mancha » traduit bien l’esprit que nous souhaitons donner à cette exposition commune .
Au vœu archaïque et démiurgique du sculpteur de trouver sa forme dans le bronze et le feu répond pour le graveur la quête du trait dans l’acide et le cuivre au service de son imaginaire.

J’ai fait le choix d’exposer mes gravures murales et plusieurs autres d’une même esthétique, toutes par nature à exemplaire unique. L’initiative de ces travaux graphiques m’est venue il y a quelques années en retour d’un voyage à Lisbonne où j’y découvrais dans un musée ces vastes cartes marines sur parchemin, appelées portulans, gravées à l’époque du Moyen Âge et de la Renaissance. Ces cartes de géographie étaient représentatives du monde d’alors . Elles guidaient les voyageurs aux confins des horizons et des océans, jusqu’aux limites des mondes explorés. Au-delà de ces territoires étaient l’inconnu, l’informulé : tout un espace encore vierge sur le papier que dessinateurs et savants peuplaient de leur imaginaire : plantes, créatures, fleuves et animaux fabuleux… Tout un espace ignoré aux confins des terres lointaines, un monde encore à naître… J’y voyais une métaphore de la page blanche sur laquelle on trace son trait de crayon, toujours plus loin, dans un élan à poursuivre sa route avec l’étrange sentiment de ne pas savoir toujours où elle mène.

* Exposition du 22 septembre au 15 octobre 2023. Voir plus bas.

Jean-François Laurent, Éco-logique, bronze, hauteur 30 cm.
Jean-Charles Taillandier, Utopia, gravure et collages, 100 x 100 cm.

Les sculptures de Jean-François Laurent sont portées vers une célébration de l’humain, où domine la figure longiligne de l’homme et de la femme, en bloc monolithique dressé vers le ciel, ou traversé par le vide en son milieu.

Dans un article précédent (voir Jour de coulée), je rapportais ma visite à son atelier mosellan, un jour qu’il coulait lui-même ses sculptures d’après la technique de la cire perdue. C’est un long processus de création qui a traversé les âges, du modelage à la fonte, jusqu’à la phase délicate de la patine qui donne à l’œuvre sa peau et ses reflets. Le sculpteur partage ainsi avec le graveur, chacun dans leur langage propre, une tradition de gestes et de dialogue intime avec la matière.

Jean-Charles Taillandier, suite « Mille manants », panneau mural 1et 2
xylographies sur papier marouflés sur toile de lin, format 150 x 400 cm.

CLIQUER sur l’image pour visionner la gravure murale dans son intégralité.

J’avais déjà tenté l’expérience de la gravure murale dans une autre circonstance, en exploitant le langage rugueux de la gravure sur bois. L’expérience avait consisté à représenter un attroupement d’hommes sous le subterfuge d’une reproduction multiple d’un personnage cloné tout droit sorti de l’imagerie du quinzième siècle propre à Martin Schongauer. La gravure murale, longue au total de quatorze mètres, en sept fragments, utilisait les ressources d’une seule planche gravée à la gouge. ( voir article Mille manants). 
Ici, les gravures murales de la série Portulans ne reprennent pas ce procédé itératif d’impression. L’image est pensée et construite par assemblage de huit feuilles de papier distincts associés à d’autres fragments gravés. Je dis « fragments » car il s’agit bien de portions de gravures précédemment imprimées mises de côté parce que simples tirages d’essai abandonnés, ou en réserve pour des travaux futurs. Ils constituent dans un tiroir ma « banque de données ». La toile de lin consolide et sert de support à la composition d’ensemble à la manière d’une tapisserie. Je me fie au hasard des découvertes heureuses et des improvisations fructueuses.

Soit par exemple l’effet fortuit des empreintes dues à l’écrasement d’herbes et de végétaux sur une plaque de zinc. Les amis graveurs sont familiarisés avec cette technique ancienne du vernis mou qui emprisonnera dans le métal nervures et feuillages. Laissez reposer cette fossilisation de formes creusées par l’acide jusqu’à chasser de votre mémoire l’épisode de cueillette champêtre… Vous abandonnerez la plaque dans un recoin de l’atelier, et un jour, la saisissant par un bord ou un autre, vous y découvrirez l’estuaire, les pistes qui mènent aux montagnes ou à la mer ou au désert. Quitte à explorer plus loin ce creux né d’un acide trop gourmand, propice à toutes les aventures, et que le langage désespérément incongru de la gravure appelle un « crevé ».

Jean-Charles Taillandier, Paysage vert, gravure avec empreintes, et collages, 100×100 cm.

Jean-Charles Taillandier, Portulan 1
gravures et peinture marouflées sur toile, chacune 100×200 cm, exemplaire unique.
Jean-Charles Taillandier, Portulan 2
Jean-Charles Taillandier, l’échelle de Jacob
gravures et peinture marouflées sur toile, 150×150 cm, exemplaire unique.
Jean-François Laurent, Tentation, bronze, hauteur 35 cm.

La matière a ses lois. Le sculpteur est l’instigateur et le témoin d’un grand œuvre au processus long et épuisant, qui nécessite une somme d’expérience et de savoir-faire dans l’univers de l’air et du feu, avec l’éventualité de l’échec, même minime, qui ne peut être écarté. L’épisode technique de la coulée à son atelier révélait, je m’en souviens, une connivence extrême entre Jean-François Laurent et la matière. Jusqu’à l’étape ultime du processus d’oxydation et de patine qui donne enfin à la sculpture sa véritable carnation. Le sculpteur doit porter la pièce de bronze à sa plus pure expression, en ébarber les défauts et « l’habiller » d’une patine toujours discrète, car l’important, dit-il, est de « laisser la suprématie aux volumes« … Faire parler le vide et le plein, apprivoiser la lumière et l’ombre sur les ventres et les creux, mais ne jamais trop flatter l’épiderme du bronze au dépens du corps plein. La vérité se joue dans la masse. D’elle émanera la belle émotion et resplendira la sensualité du sculpteur.

Jean-François Laurent, La force, bronze, hauteur 35 cm.
Jean-François Laurent, Tête, bronze , 17×28 cm.
Jean-François Laurent, Silhouettes, bronze – hauteur 65 cm.
Jean-Charles Taillandier, La cité perdue
gravures et peinture marouflées sur toile, 100×103 cm, exemplaire unique

GALERIE D’IMAGES

Jean-Charles Taillandier, Gentilhomme des confins, gravure, dessin, collages – 100×100 cm
Jean-Charles Taillandier, Paysage bleu, gravure sur bois sur papier Japon, 110×80 cm, exemplaire unique.

GALERIE D’IMAGES

Merci de votre visite

Jean-Charles Taillandier, graveur / Jean-François Laurent, sculpteur

Mythologies intimes

Jean-Charles Taillandier – Mythologie I, gravure et collage sur toile, 50×65 cm.
Pour AGRANDIR : cliquer sur chaque image
Jean-Charles Taillandier – Face à face I, gravure et collage sur toile, 50×75 cm.

Je présente ici des travaux sur papier qui ne forment pas une suite, à proprement parler, mais trouvent leur cohérence dans la démarche qui les a vus naître. J’avais déjà abordé d’autres aspects de ces travaux graphiques dans un article précédent intitulé Profils d’ombre et silence et ce titre conserverait ici toute sa cohérence.

Des fragments épars de gravures imprimées sur de fins papiers, des collages et autres fragments résiduels de travaux annexes, composent ces œuvres. Au terme d’ajustements divers, inversion ou superposition, ils donnent cohérence à ces compositions autonomes marouflées sur toile de lin. Tel fragment trouve son origine dans un profil d’homme issu d’un Codex de Léonard de Vinci, tel autre d’un portrait d’après Giorgione, beaucoup d’autres restent indéfinis ou purement imaginaires.

Il n’y a pas de méthodologie affirmée dans cette tentative. Elle est simplement due au fait qu’un graveur, dans son travail d’atelier, accumule de nombreux dessins préparatoires, tirages d’essai ou d’états non aboutis, qui s’accumulent au fil du temps. Ils peuvent devenir une source inépuisable d’inspiration pour de futures pérégrinations. D’ailleurs, une nouvelle idée graphique naît souvent d’un rapprochement fortuit entre deux sources d’inspiration étrangères l’une à l’autre.

Peut importe la méthode, après tout ! Ce qui compte est ce surgissement de sens qui naît de ces proximités, quand un fragment visuel s’agglutine à d’autres fragments de savoir ou de mémoire. Et la surprise peut être d’autant plus vive quand on déniche tel reliquat d’un travail graphique ancien oublié au creux d’un carton.

À moins d’y voir de ma part un attrait subliminal pour le travail de l’archéologue, à l’ouvrage dans une fouille encore prometteuse. De quoi alors, présenter ces images, surgies de l’oubli et de destins divers, à la manière de fresques d’un musée imaginaire qui révèlerait à notre œil les fragments d’un passé oublié et perdu sous les sables d’un désert.

Jean-Charles Taillandier – Mythologie II, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.
Jean-Charles Taillandier – Mythologie III, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.
Jean-Charles Taillandier – Mythologie IV, gravure et collage sur toile, 50×65 cm.
Jean-Charles Taillandier – Mythologie V, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.
Jean-Charles Taillandier – Face à face II, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.
Jean-Charles Taillandier – Face à face III, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.
Jean-Charles Taillandier – Face à face IV, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.
Jean-Charles Taillandier – Face à face V, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.
Jean-Charles Taillandier – Mythologie VI, gravure et collage sur toile, 50×60 cm.