
gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
Gravure 8 – Double portrait à la collerette (ci-dessus).
Rencontre improbable d’un autre temps pour la dame à la petite coiffe relevée en arrière présente dans la gravure de Callot. Cette gravure aurait pu appartenir à la série précédente Entre Elles.


Séduit par certains portraits au hasard de mes découvertes dans les musées et expositions, il m’arrive de questionner du regard ces témoins muets d’un monde clos. Une séduction s’opère, due à la beauté de l’œuvre et à tout ce mystère autour d’une simple image. À moins qu’il ne s’agisse simplement de la beauté d’un mystère. C’est sans doute une affaire de regard inassouvi car la présence reste muette, sans réponse… Alors je m’invente une fiction, quitte à brouiller les postures, les époques, et à donner plein pouvoir à l’imaginaire, ajoutant un nouveau maillon à ce que je crois être la vérité d’une image…
C’est une démarche qui ne m’est pas nouvelle. Dans mon incursion dans le domaine de l’estampe numérique, le projet Fake news en dentelles avait pour propos un détournement de personnages du dix-septième siècle hollandais, gravés par Peter de Jode. Je les avais déconnectés de leur époque pour en détourner bien ironiquement leur profil, et ainsi faire mentir leur image. De retour, ensuite, à la gravure en relief, successivement dans les séries Portraits d’outre temps et Portraits invraisemblables, je revisitais en toute innocence d’historicité une collection de portraits gravés de papes conservée au Cabinet des estampes de Nancy. Puis, dans la série Entre Elles, une offrande à la belle florentine, j’invitais des modèles féminins distinguées dans l’histoire de l’art à basculer dans notre univers temporel contemporain, l’espace d’une rencontre incongrue.
Clins d’oeil à Jacques CALLOT s’inscrit dans cette démarche de graveur. Elle m’a été inspirée d’une suite de douze estampes de ce célèbre graveur lorrain du dix-septième siècle, issues de la collection Jules Lieure et conservées au Musée des beaux-arts de Nancy. Sous le titre La noblesse, cette suite gravée entre 1620 et 1623 rassemble des portraits en pied de personnages inconnus, seigneurs et dames de Lorraine contemporains de l’artiste, mis en valeur dans un décor en arrière-plan de rues et places. Cette belle suite gravée de Jacques Callot fut une invitation à une nouvelle affaire de regard, et de connivence, où l’imaginaire se joue du passé.
Après six mois de travail à l’atelier, la série gravée Clins d’oeil à Jacques CALLOT est aboutie, avec la réalisation d’un premier tirage en 2 ou 3 couleurs des douze gravures en relief qui la composent. Je vous en présente neuf d’entre elles dans le déroulé de cet article.



Gravure 7 – Portrait mystère

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
La jeune fille de la gravure originale de Jacques Callot est référencée dame à la petite coiffe relevée en arrière. Certains ont cru reconnaître un portrait de la femme de l’artiste. Elle prend la pose, attentive et figée dans ses plus beaux atours. Elle porte une croix autour du cou et à la taille et au bras quelques ornements de perle. Elle tient entre ses doigts un objet que je ne parviens pas à identifier. Mais ce qui m’attache à elle, surtout, c’est son regard plein de questions et de crainte mêlées. Je ne retiendrai d’elle que ce visage comme échappé du col d’un grand manteau noir sur le devant d’un drapé rouge.
Gravure 5 – Mon beau miroir

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
Le gentilhomme aux mains jointes est comblé d’aise devant son miroir, je lui ai offert un nouveau couvre-chef…
Gravure 6 – Le silence des mots

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
J’ai longtemps questionné la gravure de J. Callot la dame coiffée d’un grand voile et à la robe bordée de fourrure. D’emblée je la sentais perdue dans ses pensées au milieu d’un vaste ciel. Était-elle une dame de la noblesse, une religieuse ? C’est une présence en majesté, en-soi déjà intemporelle. Après plusieurs essais sur calque, j’ai retenu l’option de l’environner d’un cadre presque vide fermé par deux pans de couleur rouge.
Gravure 3 – La bourse et la vie

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
Gentilhomme enroulé dans son manteau de fourrure… Le personnage de J. Callot est bien élégant sur la place, mais j’imagine que la vie des gentilhommes devait être un peu rude en certaines circonstances…
Gravure 11 – Une surprise en robe rouge

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
Nous retrouvons ici La dame au profil ayant la main dans son manchon, de J. Callot, mais la voici bouche bée de stupeur ou d’admiration (?) face à son double vêtue d’une curieuse robe rouge bien frivole. » Quelle indécence ma chère ! Encore une idée de graveur qui ne sait plus quoi inventer ! »
Gravure 10 – Le masque et la rose

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
D’après la dame au masque de J. Callot
Gravure 12 – Rencontre surprise !

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
La dame au profil ayant la main dans son manchon de J. Callot offre ici une nouvelle variation de rencontre féminine improbable entre deux univers. Elle encore aurait tout aussi bien trouvé sa place dans ma série précédente Entre Elles . Notamment en compagnie de la gravure sur bois Invitation à une soirée Halloween dont l’idée m’était inspirée d’un portrait de jeune fille encapuchonnée gravée par Claude Mellan, lui-même contemporain de Jacques Callot.
Gravure 4 – Salutations au rouge

gravure en relief sur dalle vinyl, format des planches 35×32,5 cm, année 2025.
La salutation à la couleur rouge d’un gentilhomme qui salue en tenant son feutre sous le bras de J. Callot a une valeur toute symbolique puisque j’accorde particulièrement à la couleur rouge une place de choix dans le langage de mes gravures en relief.
Un dernier détour par l’atelier…
Sans trop m’étendre sur ma technique de gravure, je dirais que l’impression de chaque gravure sur papier résulte de l’encrage superposé d’une planche principale, encrée en noir, qui porte le motif principal, et d’une, voire deux autres planches secondaires destinées aux couleurs rouge et grise. Tout le processus de la gravure manuelle elle-même dans la plaque vinyl ou bois, avec toutes sortes de gouges, est guidé par des esquisses sur papier ou calque et des repères de couleur sur les planches.
Je vous propose ci-dessous différentes étapes de ces travaux d’atelier ,en lien avec plusieurs des œuvres présentées.
Cliquer sur l’image pour l’agrandir

Clins d’oeil à Jacques CALLOT, série gravée.
Jean-Charles Taillandier
Membre de l’association 379 Galerie artothèque, Nancy.
12 gravures sur dalle vinyl et bois, année 2024-2025.
Format de chaque planche : 35 x 32,5 cm
Impression sur papier parchemin Fabriano, 230 gr., format 70×50 cm.
Tirage limité à l’atelier à 20 exemplaires dont plusieurs exemplaires de tête.
Source d’inspiration : série La noblesse, 12 gravures de Jacques Callot, 1620-1623.
Musée des Beaux-arts de Nancy (n° d’inventaire 40.1.450 à 451).
Mes remerciements à Michèle Leinen, centre de documentation du musée.
Contact : taillandier.jc@orange.fr


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